"La poésie, c'est ne pas être assis,
c'est, passionnément, refuser sa mort,
c'est entrer à l'aube et à corps perdu
dans l'onde du jour,
c'est ne pas dormir et c'est être
l'aube avant l'aube."
Mais la première bouffée de ce cigare mercenaire, sans marque, à l'heure où les premiers rayons de soleil caressaient notre peau, me donna l'impression d'aspirer un peu de l'haleine des Dieux.
Sa fumée rejoignait les nuages.
Je fermais les yeux pour mieux ressentir la combustion du bonheur.
Il y a toujours un instant où l'on vit l'aube absolument seul, concentré sur la fragilité du monde.
Andrès a le teint cuivré des tortues d'eau carnivores qui peuplent sa lagune et l'humeur naturellement gaie des Cubains.
Pour eux, le malheur est une vue de l'esprit et le bonheur une conquête quotidienne assez simple à séduire.
En apparence. cette inclination est inscrite dans les gènes Caraïbes ...
Dans nos regards échangés, dans notre incapacité à parler la même langue, quatre loups passaient encore sur la colline et n'en finissaient pas de disparaître vers un grand bois de bouleaux.
Quatre loups couleur de thé.
L'île-cimetière sent la tulipe, la résine, la terre fraîche.
La pierre, l'eau et les arbres enserrent les tombes.
Les brins d'herbe y poussent comme des anémones de mer.
Le jour se levait.
Un bouquet de tiges roses striait l'horizon : un faisceau d'étroits nuages longs comme des cannes à pêche de géants prenait un peu d'aquarelle à un soleil déjà avare de sa lumière de septembre.
C'est un jeune lion à la crinière naissante, vaporeuse ...
Nous sommes face à face.
Après un temps improbable - moins d'une minute, mais je suis en apnée du monde entier - le lion bouge.
D'abord la tête.
Puis il se retourne lentement, avec une élégance qui me coupe le souffle.