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Critique de isanne


Treize façons de voir... pourquoi treize ? parce que ce nombre peut faire - à cause du symbole qu'il porte, de sa dualité - pencher le point de vue d'un côté ou de l'autre, c'est à dire du côté de la vie ou du côté de la mort, du côté du bien ou du côté du mal, du côté de la vengeance ou de celui du pardon, du côté de la compassion ou de celui de l'adversité ? C'est ce que j'ai cru dans un premier temps...
Non, en fait, ce titre est tiré d'un poème de Wallace Stevens : "Treize façons de regarder un merle" duquel Colum Mccann cite un passage qui sous tend le recueil :

(…)
Je ne sais que préférer,
La beauté des inflexions
Ou la beauté des insinuations (...)


Une novella et quatre autres nouvelles plus courtes dont le sujet - fil qui les relie est la violence. La violence subie, admise ou enfouie dans la mémoire, la violence des émotions, aussi, qui brûle le coeur et fait suffoquer.

Cinq récits très différents, mais qui happent littéralement le lecteur : curieusement, celui-ci garde l'illusion que ses propres pensées, ses propres espoirs pour les personnages pourraient influencer le cours de l'histoire. Il n'en est rien, bien sûr, mais Colum McCann sait tellement distiller l'attente, tellement avancer les détails "pion par pion" comme sur l'échiquier pour créer une ambiance, une atmosphère, raconter un caractère que la lecture s'apparente réellement à un cheminement de découverte pour lequel toutes les possibilités sont offertes. Aucune des nouvelles n'a de fin tranchée, chacun se racontera la suite selon son propre tempérament.

Il est donc question de violence, que les personnages ont ou vont croiser, dont ils ne se remettent pas ou qu'ils vont devoir affronter. Une violence physique, ou alors plus sourde, celle de l'angoisse.
Il est aussi question de mémoire, des souvenirs de ce qu'ils contiennent de sentiments avec lesquels il faut apprendre à se démener, de regrets ou de remords.
A un moment, les personnages de ces différentes nouvelles vont tous faire une sorte de bilan même sans en être conscients, un bilan de ce qu'ils ont vécu et choisi et qui les a amenés au moment où commence le récit. Une certaine forme de nostalgie les enveloppe sans qu'on puisse dire avec conviction s'ils regrettent le passé ou non.

Les détails qu'on observe sont un élément important de ces récits, que ce soit au moyen de caméras qui finalement "parlent" à la place du personnage principal de la novella, le racontant sans qu'il se confie lui-même, le regard de l'observatrice de la dernière nouvelle qui est celui du lecteur pour assister à une vengeance d'un malheureux envers un homme aussi miséreux que lui, l'importance des lueurs électriques ou de la clarté de la lune sur un théâtre d'opérations et aussi les yeux qui fouillent les paysages à la recherche d'un indice donnant un espoir dans un autre des récits, sans oublier le regard qui fouille le visage apparu sur le poste de télévision essayant de le mettre en miroir avec un homme croisé plusieurs décennies plus tôt : ce regard fait-il défaut, est-il fiable ?


Chez Colum McCann, l'écriture est ciselée, elle se fait aussi poétique , toujours en lien avec la littérature sous forme de citations ou de clins d'oeil, elle ressemble à un scalpel qui tranche dans le vif des vies, dans la douleur des instants…


Et puis, pour terminer, ma nouvelle préférée a été "Sh'khol", pour avoir permis la rencontre avec cette mère, avec son enfant adopté, handicapé, et avoir éprouvé cette terrible peur qui va l'étreindre tout au long des phrases, en portant un regard désespéré sur ces merveilleux paysages et en ressentant le souffle du vent, surgi des mots, qui nous caresse presque le visage apportant avec lui les embruns du large des côtes irlandaises.
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