Je voulais laisser l’univers m’envahir avec tumulte et fracas et m’éloigner du silence de mon existence.
Je voulais fabriquer du beau et le rendre exceptionnel. Je ne voulais pas regarder l’usure des choses, mais créer du neuf, du parfait, et peut être aussi oublier qu’un jour tout cela s’effrite.
Ne me juge pas trop vite. Tu verras, toi aussi, que l’on finit tous par se soumettre à des forces supérieures, que ce soit pendant une guerre ou pendant une vie dominée par le pouvoir des autres sur soi. Tu penses que tu es libre ? Que tu es maître de ton destin, que ta jeunesse te pardonne tout ? Détrompe-toi : l’heure tourne déjà, tes craintes s’accrochent aux parois de ta mémoire sans même que tu ne t’en rendes compte et tu te diriges vers la fin. Ta vie vient à peine de commencer, et tu te diriges déjà vers la fin. Ta jeunesse n’est qu’une triste illusion qui sert à masquer l’irrémédiable : un jour, tout cela s’arrêtera, et tu verras que, même si tu penses avoir vaincu tes démons, ils t’attendent derrière la porte de sortie.
Telle était la véritable tragédie de ma mère: elle s’évertuait à transfigurer le réel pour masquer la noirceur du monde.