Descendre un chemin entre les dunes, sentir la mer avant même de la voir – rien n'est comparable à cette sensation. Voilà pourquoi elle venait ici ou sur l'une des autres îles de Wadden au moins deux fois par an. Mais en ce jour, la seule odeur qu'elle sentait, c'était celle du cadeau d'anniversaire de mariage. Elle l'avait dans les narines, emballée, avec une faveur.
Arrivée au sommet de la dune depuis laquelle on découvrait la mer, elle s'immobilisa comme à son habitude. Réalisation d'un désir semble-t-il inné. Mais cette fois, savoir que la mer s'étendait en principe au-delà de cet endroit ne lui fit rien. Ça ressemblait à la mer, ça bougeait comme la mer, ça bruissait comme la mer. Mais ça exhalait une odeur de salon de coiffure. Julia remonta un peu plus la fermeture éclair de son anorak et enfouit les mains dans les poches. Descendant le chemin menant à la plage, elle eut l'impression d'entrer dans un cinéma.
- Bonsoir madame.
- Bonsoir madame.
- Bonsoir madame.
Les enfants de la maison voisine de la leur passaient à sa hauteur, portant les seaux, des pelles ainsi qu'un ballon rouge. Ils lui demandèrent s'ils pouvaient venir regarder la télé, leur poste était de nouveau en panne.
- Bien sûr, dit-elle, mais à condition d'arrêter de m'appeler avec vos madame par-ci, madame par-là. Je m'appelle Julia.
Les enfants hochèrent la tête et s'éloignèrent. Il ne lui avait pas échappé que sa remarque les avait embarrassés. A chaque fois qu'elle tentait de se rapprocher de quelqu'un, elle ne faisait que s'en éloigner un peu plus. Une personne habituée à côtoyer des enfants, par exemple une maman, n'aurait pas tiqué sur l'emploi du mot « madame ».