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Citations sur Les disparus (117)

Il essaie de voir les choses dans leur complexité, se méfie des généralisations, tout comme j'aime regarder les problèmes à travers la lunette de la tragédie grecque qui nous apprend, entre autres, que la véritable tragédie n'est jamais une confrontation directe entre le Bien et le Mal, mais plutôt, de façon plus exquise et plus douloureuse à la fois, un conflit entre deux conceptions du monde irréconciliables.
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Mon désir de posséder un tel récit n’était pas très différent du désir qu’avait mon grand-père de croire aux histoires du voisin juif ou de la bonne polonaise. Les deux étaient motivés par un besoin de croire à une histoire qui, aussi horrible fût-elle, donnait un sens à leurs morts – qui ferait qu’ils seraient morts de « quelque chose ». Jack Greene m’a dit autre chose, ce soir-là : ses propres parents, comme Shmiel, avaient espéré pouvoir mettre leur famille à l’abri, obtenir des visas ; mais, en 1939, la liste d’attente pour obtenir des papiers était de six ans (et six ans plus tard, tout le monde était mort, a-t-il ajouté). Comme je suis quelqu’un de sentimental, j’aimerais croire – nous ne le saurons jamais, bien sûr – que mon grand-père, ses frères et ses sœurs, ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour Shmiel et sa famille. Ce que nous savons, au moins, c’est que, en 1939, rien de ce qu’ils auraient pu faire n’aurait pu les sauver.
Pendant tout notre voyage, j’avais été déçu parce que aucune des histoires dont j’avais entendu parler n’était confirmée par ce que nous pouvions entendre et voir ; pendant tout le voyage, j’avais désiré un récit passionnant. C’était seulement en écoutant Jack Greene que j’ai compris que j’étais à la recherche de la mauvaise histoire – l’histoire de la façon dont ils étaient morts, plutôt que celle dont ils avaient vécu.
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Alors que nous passions devant la Zeremonienhalle, qui était, je ne me rendais pas compte alors, une reconstruction, une restauration d'un édifice qui avait été incendié le soir du 8 novembre 1938, et marchions en direction des tombes proprement dites, le panorama qui nous a accueilli était celui d'un grand vide. Car de ce vaste terrain qui avait été acheté par les Juifs de Vienne dans les années 1920 pour la nouvelle section du cimetière, une fois que l'ancienne section avait été surpeuplée par les morts de cette florissante communauté, seule une petite portion était occupée par les tombes. A côté de ces tombes (presque aucune d'entre elles, avons-nous remarqué en y circulant, ne porte de dates postérieures au début des années 1930), se déployait une vaste prairie vide. Nous l'avons regardée fixement pendant un moment, avant de comprendre que la Nouvelle Section juive était en grande partie vide parce que tous les Juifs qui auraient dû être enterrés là, selon le cours normal des choses, étaient morts dans des circonstances qu'ils n'avaient pas prévues et s'ils avaient été enterrés, l'avaient été dans d'autres tombes moins élégantes qu'ils n'avaient pas choisies. [...] J'avais passé pas mal de temps dans les cimetières, mais il ne m'était pourtant jamais venu à l'esprit, avant cet après-midi dans le Zentralfriedhof, que les cimetières, eux aussi, pouvaient être vidés de leur vie.
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Ce que je sais à présent, c'est ceci : il y a tant de choses que vous ne voyez pas vraiment, préoccupé comme vous l'êtes de vivre tout simplement ; tant de choses que vous ne remarquez pas, jusqu'au moment où, soudain, pour une raison quelconque - vous ressemblez à quelqu'un qui est mort depuis longtemps ; vous décidez tout à coup qu'il est important de faire savoir à vos enfants d'où ils viennent -, vous avez besoin de l'information que les gens que vous connaissiez autrefois devaient toujours vous donner, si seulement vous l'aviez demandée. Mais au moment où vous pensez à le faire, il est trop tard.
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Alors qu'Alex traduisait le récit de Pyotr de la marche vers la mort de ses voisins, je me suis souvenu du timbre exact de la voix de mon grand-père au téléphone quad il disait "Adieu" : ce "a" à peine soufflé des Juifs polonais, cette prononciation qui a aujourd'hui presque disparu de la terre. Mais ce n'est pas pour cette raison que ces adieux angoissés sont restés gravés dans mon esprit et ont constitué les détails les plus horribles de tous ceux que nous avons entendus ce jours-là. C'est seulement plus tard, après mon retour aux Etats-Unis que je me suis aperçu que cet unique détail reliait ce que nous avions entendu à Bolechow, ce jour-là, le jour dont tout allait dépendre, à quelque chose dont je m'étais souvenu dans les lettres de Shmiel : l'adieu à la fois conscient et impensable .

Je vous dis adieu et je vous embrasse de tout mon cœur.

Adieu, nous ne nous reverrons plus jamais.

C'est un fait bien établi que la plupart des actes de sauvagerie les plus violents perpétrés contres les Juifs de l'Europe de l'Est l'ont été, non par les Allemands eux-mêmes, mais par les populations locales de Polonais, d'Ukrainiens, de Lituaniens, de Latviens - par les voisins, les intimes, avec qui les Juifs avaient vécu côte à côte pendant des siècles jusqu'à ce qu'un délicat mécanisme se grippe et qu'ils se retournent contre eux.

Page 168
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L'intimité peut conduire à des émotions autres que l'amour. Ce sont ceux qui ont été trop intimes avec vous, vécu trop près de vous, vu trop de votre douleur ou de votre envie ou, peut-être plus encore, de votre honte, que vous pouvez, au moment crucial, facilement rompre, exiler, exclure, tuer.
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La véritable tragédie n'est jamais une confrontation directe entre le Bien et le Mal, mais plutôt, de façon plus exquise et plus douloureuse à la fois, un conflit entre deux conceptions du monde irréconciliables.
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Lorsque j’étais bien plus jeune et, même alors, je me demandais quel genre de présent on pouvait avoir sans connaître les histoires de son passé.
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Chez Anna - à Tel Aviv - page 382

Je lui ai dit que nous avions appris de Jack Greene que Ciszko Szymanski avait été exécuté pour avoir essayé d'aider Frydka. Elle a parfaitement compris ce que je disais, parce que avant même que j'aie fini de parler, elle m'a regardé en disant en yiddish, Oui, c'est ce que j'ai entendu dire.

C'est à ce moment-là qu'elle s'est penchée au-dessus de la table basse, comme une femme qui voudrait confier un cancan à une amie, et qu'elle a parlé très rapidement. La tension entre l'intimité de son geste et le fait d'avoir à attendre la traduction de Schlomo m'a frappé comme quelque chose de significatif : ça m'a paru être un symbole de tout ce que je ressentais ce jour-là - l'étrangeté d'avoir à intégrer, d'un coup, des distances impossibles de temps, de langues et de mémoires, à l'immédiateté et à la vivacité des fragments, très brefs mais émouvants, que j'entendais sur mes parents morts depuis longtemps. "Viens prendre des fraises ! Il était sourd ! Un papillon".

Schlomo écoutait ce qu'Anna disait, penchée vers moi dans ce mouvement de confidence, et il s'est ensuite adressé à moi.
Elle a dit que lorsqu'ils se sont fait prendre, Ciszko a déclaré ; "Si vous la tuez, alors vous devriez me tuer aussi.

Pendant un instant plus personne n'a rien dit. Je savais, bien entendu, que Frydka avait inspiré bien plus qu'une amourette. Ce garçon a payé de sa vie pour ça, avait dit Jack à Sydney. Mais c'était vraiment quelque chose que d'entendre à présent la ferveur, la bravade juvénile, des derniers mots de ce garçon. Si vous la tuez, alors vous devriez me tuer aussi! Et ils l'ont tué. Là-dessus, tout le monde était d'accord même s'il allait me falloir encore deux ans pour découvrir comment exactement.

Ndl : Ciszko et Frydka s'aimaient, lui n'était pas Juif!
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Il y a, par conséquent, une liaison complexe entre les actes de création, les actes de destruction et les actes de rétablissement dans la Genèse, suggérant que ces actes distincts, apparemment opposés, sont en fait pris dans une boucle intriquée et infinie.
Cette interconnexion suggère à son tour un autre point, plus important, dont le texte veut nous rendre conscients. Car si Noah était simplement un récit d'annihilation totale - destruction sans survivants, sans une nouvelle "création" - nous y perdrions rapidement tout intérêt : c'est l'existence de ces quelques survivants qui nous aide, ironiquement , à apprécier l'étendue de la destruction. Inversement, pour apprécier le caractère précieux des vies qui ont été sauvées, il est nécessaire d'avoir une compréhension approfondie de l'horreur à laquelle, ils ont si miraculeusement échappé.

page 203

Ndl : Je trouve très intéressant la manière dont l'auteur met en parallèle sa quête avec la les passages de la Bible hébraïque. Cette exégèse qui se base sur l'Hébreu et sur deux illustres commentateurs, Rachi et Friedman, interpelle et est riche de réflexion.
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