Accrochages

Le tout premier chapitre est d'un cynisme et d'une intensité tout à fait exaltants ! Ce marasme d'envie qui étreint ce couple est suffoquant. D'un regard extérieur, on aurait naïvement, innocemment pu croire que leur passion commune pour l'art les auraient rendu inséparables, liés et complices à jamais. Mais l'ombre de la célébrité et de la reconnaissance a insidieusement fait son entrée au sein des deux amants, pour ne plus jamais disparaître.
La masculinité toxique qui émane de cette introduction glaciale, donne des frissons d'horreur.

Certains passages, certaines phrases mènent littéralement à la folie furieuse. La mauvaise foi, la manipulation, la victimisation simulée et honteusement mensongère, m'ont assaillie, accablée avec une soudaineté qui m'a coupé le souffle. J'ai dû poser le livre un instant et m'apaiser. Croyez-moi, si votre empathie est développée, vous allez souffrir. Atrocement souffrir. le réalisme, la crédibilité sont édifiants. On ne peut échapper à la tension et à l'impact de ce livre.

Charlotte Mendelson décrit avec virtuosité la difficulté insupportable et terriblement injuste d'être tout simplement une femme en ce monde. Ce monde si abominablement patriarcal. Abominablement patriarcal au point de devoir s'excuser d'exister en tant que femme.

L'émotion que j'ai ressentie en lisant cet ouvrage - si précieux dorénavant à mes yeux - m'a bouleversée. La colère ne m'a pas quittée une seule seconde. La tristesse non plus. Mais le pire sentiment est peut-être la résignation à laquelle toutes les femmes doivent penser au moins une fois dans leur vie, face à l'omnipotence et l'omniscience masculines à travers le monde entier.

Seule une femme pourrait écrire un livre qui fasse autant écho dans le coeur et les tripes d'une autre femme. C'est ma conviction profonde. Charlotte Mendelson me donne l'impression d'exister, d'être complètement comprise. Cette sensation n'a pas de prix.

Le second grand thème abordé minutieusement par l'auteure est la parentalité toxique. La nocivité, la capacité de nuisance qui servent de fil rouge tout au long de l'histoire, est un véritable déclencheur. Déclencheur de souvenirs, de scènes abjectes, de faits-divers banalisés, mais aussi et surtout déclencheurs d'une prise de conscience bien vaine qui conclut par un désintérêt croissant de l'omniprésence des violences conjugales et parentales. La banalité insupportable de tous ces drames énumérés chaque jour, est inconcevable et pourtant une pathétique réalité.

Ce récit cinglant et désespérant qui décrit infailliblement le quotidien d'une famille et d'un couple dysfonctionnels est un véritable crève-coeur. L'écriture est si vraie, si puissante dans ses descriptions, qu'il est impossible d'en ressortir indemne. Seul un robot psychopathe pourrait ne pas flancher d'émotion en lisant les mots de Charlotte Mendelson.

Mon seul gros point d'interrogation réside dans le fait que ce livre est présenté comme une comédie. Je ne comprends absolument pas ce qualificatif. Cela dépend certainement de la sensibilité et de l'empathie de chacun, mais j'ignore à quel moment l'on pourrait avoir envie de rire…

Accrochages est un énorme coup de poing en pleine face et une flèche en plein coeur.
Il est rare d'être autant secoué par l'écriture d'une inconnue. Je recommande ce chef-d'oeuvre avec la plus vive émotion.

Sensibles, ne surtout pas s'abstenir ! S'il vous plaît. Vous ne le regretterez pas.