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Critique de andman


Quelle mouche a donc piqué Raimund Gregorius, ce solitaire de cinquante-sept ans, pour abandonner sur un coup de tête sa petite vie tranquille, aussi bien réglée que les montres de son pays ?

La juxtaposition de deux événements anodins à quelques heures d'intervalle a déclenché chez lui un besoin immédiat de fuir sa vie banale de professeur de langues anciennes : sa rencontre fortuite avec une jeune femme portugaise un matin pluvieux sur un pont de Berne et la découverte l'après-midi d'un livre d'Amadeu de Prado dont les mots semblent écrits pour lui.

Le voyage via Paris, décidé dans la précipitation, se termine vingt-six heures plus tard à la gare Santa Apolónia non loin de l'embouchure du Tage. le temps de s'habituer à la luminosité de Lisbonne, voici notre Gregorius sur le chemin de l'hôtel avec dans son sac de voyage une grammaire portugaise et le livre d'Amadeu de Prado, « Un orfèvre des mots ».

Lier contact dans la capitale portugaise se fait naturellement pour ce polyglotte qui apprécie la cordialité des lisboètes. Il apprend le lendemain que l'homme dont les écrits l'interpellent jour et nuit, est mort trente et un ans auparavant d'une rupture d'anévrisme et en déduit logiquement que ses cahiers ont été publiés deux ans après son décès par sa soeur aînée qui vénère sa mémoire.
Au travers des gens qui l'ont connu, Gregorius découvre peu à peu la personnalité hors du commun de feu Amadeu de Prado.
Médecin dévoué, combattant de l'ombre sous le régime dictatorial de Salazar, amoureux des mots, pourfendeur de la vulgarité du monde, impitoyablement honnête envers lui-même, le parcours de vie de ce portugais humaniste n'a pourtant pas toujours été apprécié par son entourage, ni même compris parfois par son meilleur ami.

« Train de nuit pour Lisbonne » est un roman d'une grande profondeur philosophique. Les écrits du médecin disparu amènent plusieurs fois le lecteur à s'interroger avec Gregorius sur l'insondable mystère de l'âme, sur la part de solitude inhérente à la nature humaine, sur les illusions que l'on se crée, sur les désillusions qui ouvrent les yeux, sur la capacité de l'homme à entendre la vérité sur lui-même…

L'empathie qu'éprouve d'emblée le lecteur pour Gregorius, professeur quelque peu déboussolé, ne faiblit pas au fil des chapitres. Avec patience et ténacité il essaie de s'approprier la pensée d'Amadeu de Prado comme si le salut de son âme en dépendait.

Pascal Mercier aime Lisbonne et cela se sent dans la manière qu'il a de conduire son personnage à travers les différents lieux de la ville aux sept collines.
J'ai pleinement apprécié les descriptions urbaines de l'écrivain germanophone pour avoir maintes fois ces dernières années arpenté ces rues, ces places, ces quartiers pittoresques…

Paru en 2004, « Train de nuit pour Lisbonne » m'a donné cette semaine le double plaisir d'une relecture passionnante et d'une agréable évasion en territoire connu, loin de la grisaille automnale.
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