Nous aurions pourtant juré que les plaques de plâtre n’étaient pas en carton, et que les appartements étaient délimités par des murs porteurs en béton. En vérité, le cloisonnement n’arrêtait pas le bruit, il ne servait qu’à répartir l’espace de vie entre chacun des voisins. Par ce constat, je démontrai l’évidence même : l’immeuble entier rassemblait une unique communauté d’individus qui se retrouvaient privés de leur pudeur, et contraints de révéler leur quotidien à l’inconnu du dessous, du dessus, et du palier voisin.
Car plongé dans une lecture, le lecteur oubliait ce qui l’entourait, l’esprit accaparé par l’intrigue. C’était cela, la magie des livres : faire passer la réalité au second plan. L’histoire échafaudait autour de lui son propre univers, avec précision et amour du détail. La beauté des phrases offrait le rare privilège de rêver éveillé, tout en octroyant la possibilité de mettre un terme à son escapade, dès lors qu’il choisissait de fermer le livre.
Car l’homme menait une lutte acharnée contre son ennemi intime : le temps. Inlassablement, ce dernier s’attaquait à ce qui était bâti, désireux d’en venir à bout. L’éphémère était son œuvre, l’être humain n’était que de passage, et la vieillesse se chargeait de l’emporter une fois qu’il avait suffisamment vécu. Le temps, lui, n’était en revanche pas soumis à cette contrainte, il détenait en effet un pouvoir divin, celui de ne jamais être altéré, et de perdurer au-delà de la mort. Le temps était une valeur précieuse, immortelle, que personne ne pouvait contrôler. La seule échappatoire existante était de s’y soumettre en acceptant sa suprématie. Mais si le vieillissement était une réalité inéluctable, il était néanmoins possible de mener sa vie de la meilleure manière qui soit.
Car plongé dans une lecture, le lecteur oubliait ce qui l'entourait, l'esprit accaparé par l'intrigue. C'était cela, la magie des livres : faire passer la réalité au second plan.
Il y a des moments où l'on est conscient de faire une erreur mais l'on ne fait rien pourtant pour l'éviter.
Souvent, les hommes commettaient l’erreur de me sous-estimer. La plupart ne jurait que par le gabarit, et en oubliait son importance secondaire. Car l’apparence ne servait qu’à susciter un préjugé, et ne révélait pas la nature de l’âme.
Que pourrais-je souhaiter d'autre à présent que d'être libre ? Ou peut-être dois-je simplement accepter ma condition de captive ?
Les étagères croulaient sous le poids du savoir, une multitude de livres proposait périples et rencontres hors du commun. Dans l'attente d'un lecteur, les ouvrages somnolaient, sans jamais perdre de leur saveur. Tout juste, avec le temps, les pages jaunissaient-elles et s'imprégnaient d'une senteur comparable à celle des vieux journaux. C'était un gage de qualité, le tampon authentique d'un millésime qui parcourait les époques.