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Critique de Meps


Meps
07 décembre 2022
Qu'est-ce qui fait qu'un écrivain en devient un ? Au delà de la formation, de l'amour de la littérature (qui nous anime a priori tous ici), qu'est-ce qui fait qu'on passe un jour le pas, qu'on se met réellement à écrire, écrire pour être lu ? Robert Merle avait tout pour le devenir, des études poussées en littérature, une thèse en préparation sur Oscar Wilde, une envie de devenir écrivain chevillée au corps depuis des années. Pourtant, en 1939, alors qu'il a déjà plus de 30 ans, il n'a encore aucun livre à son actif. Et puis, L Histoire vient le cueillir et le jeter dans l'horreur du deuxième conflit mondial.

Ce roman est en fait le premier écrit de l'auteur. Il fait partie de ces écrivains que je connaissais sans l'avoir jamais lu, que j'identifiais plutôt comme un écrivain historique, sans doute avec la renommée de la saga Fortune de France. Ce livre est donc son premier... et son dernier puisqu'il fut retrouvé chez lui après sa mort et ses enfants décidèrent qu'il méritait clairement d'être édité. Partant de ses propres souvenirs de prisonnier de guerre, Merle part de cette expérience et le met en contrepoint avec la douceur de la vie d'avant guerre. On sent que ce fut son moyen pour survivre à l'horreur des camps de prisonnier mais grâce à l'écriture cela devient un moyen de peindre cette période où tout le monde sentait que le drame arrivait, mais cherchait à se persuader tout en même temps que ce n'était pas possible.

La construction du roman est vraiment intelligente, la beauté des images d'un été dans le sud tellement renforcée par l'horreur des instantanés du camp de prisonnier. le logique refus de la guerre de l'auteur, destiné à devenir la chair à canon nécessaire au conflit, se renforce au fur et à mesure du récit par ce qu'on apprend de l'histoire du personnage, miroir quasi parfait de l'auteur, caché derrière un pseudonyme et de sa famille, qu'il renonce à renommer, préférant les incarner dans sa femme la Louve, sa fille L'enfant et sa mère qu'il nomme à peine (alors qu'on sait l'importance qu'elle a pu prendre dans la vie de l'auteur). le style est très agréable, allégeant les moments les plus pesants par une ironie qui touche juste et intelligemment.

Le roman est court, très court, mais se présente comme une incarnation de la nécessité de l'écriture. On devient donc écrivain quand on ne peut plus faire autrement, quand cela devient la condition sine qua non de sa survie, du devoir de mémoire de ce que nous sommes quand tout peut disparaître, sans doute quand la conscience de sa propre finitude devient trop réelle pour qu'on puisse faire comme si elle n'arriverait jamais. Une belle leçon pour les écrivains en puissance que nous sommes nombreux à être : la vie est courte et le roman qui est en nous pourrait bien ne jamais avoir l'occasion de prendre forme si nous ne nous lançons pas.
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