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Critique de Pasoa


Entrer dans la poésie de Thierry Metz est toujours pour moi un moment particulier. Après les lectures des Lettres à la Bien-aimée, de L'Homme qui penche et de le Journal d'un manoeuvre, je retrouve son écriture si singulière au travers du Carnet d'Orphée.

Les poèmes qui composent ce court recueil font partie des derniers qu'ait écrits Thierry Metz. Rassemblés dans un agenda de poche qu'il avait confié en 1996 à son épouse, sa Bien-Aimée, ces textes courts ont une saveur toute personnelle.

Dès la première page, au creux des mots, entre les lignes et jusque dans les blancs des pages, on perçoit le trouble, l'empreinte de cet événement tragique survenu en 1988, de cet accident terrible qui emporta Vincent 8 ans, le deuxième des trois fils de Thierry Metz, fauché sous ses yeux par une voiture sur la route qui bordait la maison familiale. C'était près d'Agen.

De ce drame, Thierry Metz ne s'en remettra jamais. Toujours chez lui, il y aura cette recherche qui l'habitera, jusqu'à sa disparition : comment inscrire sa présence au monde autrement que par le mouvement induit par l'écriture ?  Comment inscrire sa présence au monde dans le regard d'un père devenu un errant ?

« Je n'ai que ce trajet à bâtir.
Retrouver la mère et l'enfant.
En mourir peut-être. »

Exil sans mouvement, sans destination « c'est l'inatteignable qui m'est le plus proche » disait Thierry Metz de lui, comme une tentative sans fin de relier dans l'écriture présent et ce qui ne reviendra plus, de confondre la réalité, de la ramener dans l'épaisseur du désir, loin de l'inconcevable, du bouleversement de toute une vie.

« le vrai travail peut-être est de simplifier. de dire le moins possible mais d'écouter beaucoup. Ne rien emporter le matin, ne pas s'alourdir. Être graine pour revenir feuillage le soir.»

L'écriture de Thierry Metz est comme une terre d'abandon, riche de sa lumière et de ses ombres, du vent et des saveurs d'un temps passé qui n'en finit pas de parvenir jusqu'à lui. Une sensibilité plutôt que le pathos, le dépouillement plutôt que l'encombrement, chaque mot pris dans l'instant : « Habiter. Là où je ne resterai pas. Quelques pas hors de moi. »

Dans ce très beau recueil, poèmes à une et à plusieurs voix, poèmes de l'homme au singulier et de la famille recomposée dans les mots et les images, en eux la femme aimée et puis l'enfant, déjà si loin et pourtant tellement proche. Une poésie faite de blessures, une poésie troublante, devenue essentielle.

« Dans le pain : ta voix
(et le sang changé en vin)
La mère espérant que tu reviennes,
que tu reviennes avec l'eau,
espérant que tu la réveilles
pour lui donner ton nom et ta mort,
que tu la réveilles avec ce rouge-gorge
qu'elle gardait comme une aile. »


Thierry Metz mit fin à ses jours le 16 avril 1997 . Il avait 41 ans.

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