Nous déambulons dans le zigzag du canyon, tantôt à pied, tantôt à cheval. Des deux côtés de la Murghab, les montagnes dessinent des formes hérissées bleues, rouges ou jaunes. Les couleurs sourdes des sommets, s 'écoulent et se mêlent en déclinant toutes les variations de l'arc en ciel. La rivière devient plus étroite, les parois du gouffre se rapprochent et forment la voûte d'une cathédrale au-dessus de nos tes. Des ailes s'ouvrent sur chaque flanc de la nef et de petits affluents rejoignent la rivière. Le courant de l'eau siffle doucement et le pas des chevaux crépite sur la pierre.
Le buzkashi est traditionnellement l'apanage des provinces du Nord mais la guerre et les mouvements de population en ont bouleversé la cartographie. Pendant plus d'une décennie, quatre millions de réfugiés afghans se sont côtoyés dans les camps de réfugiés au Pakistan et en Iran. Les Ouzbeks et les Turkmènes jouaient au buzkashi devant les foules et les autres ethnies se sont approprié le jeu pour se mesurer à eux. De retour dans leurs provinces d'origine, ces nouveaux convertis ont contribué à le propager - certes, ils n'ont pas encore la connaissance des Ouzbeks et des Turkmènes, qui sont les seuls à savoir véritablement élever et dresser les chevaux. Aujourd'hui, on trouve de petites écuries dans tout le pays, y compris dans des régions où le climat n'est pas propice aux animaux.
Nous sommes au centre de l'Afghanistan mais nous ne faisons pas vraiment partie du pays.
Au décollage, la carlingue se mit à vibrer et, après avoir cherché en vain ma ceinture de sécurité, je dus me cramponner à mon siège pour ne pas tomber. Mon voisin, un Pashtoun avec un large collier de barbe rouge vif, alluma une cigarette et se tourna vers moi avec un sourire flegmatique : - We are flying Inch'Allah Airlines.