AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Levant


Sujet douloureux s'il en est, cet ouvrage m'a véritablement impressionné par l'empressement et la force de son message. Il témoigne par une fiction du phénomène à la fois trop bien connu et trop bien ignoré qu'est celui de la violence faite aux femmes dans le cadre conjugal ou pseudo conjugal et qui pour les cas les plus graves peut aller jusqu'à la mort. L'actualité nous le sert malheureusement trop souvent. Dans ce témoignage en forme de dénonciation, Louise Mey termine son ouvrage en citant des statistiques récentes qui font froid dans le dos, dont un chiffre criant de désespoir : en octobre 2019, alors qu'elle mettait un terme aux épreuves de son ouvrage, 124 femmes avaient perdu la vie depuis le début de l'année sous les coups de leur conjoint.

Mais la force de cet ouvrage n'est certes pas celle d'une donnée statistique. Louise Mey veut faire comprendre, si ce n'est admettre, les mécanismes et aspects du phénomène qui font d'une compagne une victime. Elle atteint à mes yeux parfaitement le but qu'elle s'est fixé.

L'approche, la séduction, la manipulation, la maltraitance, l'entrée en dépendance débouchent au final sur une impossibilité, en tout cas une très grande difficulté pour la femme qui en est victime à se séparer du conjoint ou compagnon violent. Et lorsque le phénomène est établi, la difficulté est tout aussi grande pour faire reconnaître le crime aux yeux de tous : police et justice au premier chef, les proches quand il en reste dans l'entourage en second lieu. le processus de marginalisation, d'isolement ayant fait son oeuvre, le plus souvent amis et relations professionnelles ont disparu du paysage affectif de la victime.

Mais pourquoi ne le quitte-t-elle pas est la question que se pose toute personne non concernée par cette situation dramatique. Ce serait si simple. Mais c'est loin d'être le cas. Et l'auteure de faire comprendre tout le travail d'abaissement qui a fait son oeuvre pour piéger la victime et la faire entrer dans la dépendance de son tourmenteur. Ce dernier a souvent deux visages : le séducteur et le tortionnaire. Dans cet ouvrage de Louise Mey c'est l'homme qui pleure, celui qui mobilise les sentiments à son égard, et l'autre visage c'est M. Langlois le manipulateur pervers.

Sandrine, la victime, souffre à la base d'un déficit d'estime de soi. Ce complexe la rend d'autant plus crédule lorsqu'un homme fait preuve d'une once d'intérêt à son endroit. La sincérité de ses sentiments la rend sourde aux premières vexations de son nouveau compagnon. Maltraitance psychologique, puis physique, la spirale de l'isolement, de l'enfermement entre en action. Peu à peu totalement dépendante, affectivement et matériellement, Sandrine n'a plus de voie de recours. Au point de n'oser avouer à son compagnon sa grossesse, de crainte de lui voir la blâmer de la perte d'exclusivité des attentions à son égard.

C'est un cri de révolte que pousse Louise Mey avec cet ouvrage autant qu'un appel à la vigilance de tout un chacun sur un phénomène qui, touchant la sphère privée, laisse volontiers fermer les yeux et les oreilles sur ce qui filtre au travers de la porte des voisins, sur les marques que dissimule mal un maquillage ou un vêtement ample.

Sur ce sujet lourd il y a une fiction très habilement construite, dont l'approche de l'épilogue ne vous autorise plus à lâcher l'ouvrage, soutenue par une écriture qui souligne avec avantage les émotions : fébrilité, désespoir, peur et toutes les oscillations en dent de scie du ressenti intime. Intime donc fermé à quiconque. Et au final la culpabilité. Car c'est là que le tortionnaire gagne : quand la victime culpabilise de son propre déboire. La culpabilité est le travers le plus difficile à extraire d'un coeur martyrisé. C'est pourtant la clé du succès de la recouvrance.

La deuxième femme est un superbe ouvrage fort bien mené qui ne manquera pas de toucher chacun de ses lecteurs.
Commenter  J’apprécie          321



Ont apprécié cette critique (32)voir plus




{* *}