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Critique de thedoc


Ce livre est une claque monumentale.

Sandrine ne s'aime pas.
"Une sale moche, trop grosse, tête de conne » pense Sandrine d'elle-même.
Sandrine vit seule et se sent seule. Repoussante, inintéressante. C'est ce que son père lui a toujours répété. Secrétaire juridique dans un cabinet d'avocats, elle évite ses collègues car de toute façon, à quoi bon, elle n'a rien à dire d'intéressant.
Elle vit une petite routine de femme célibataire qui n'intéresse personne jusqu'au jour où elle croise « l'homme qui pleure », celui dont la femme a disparu.
« L'homme qui pleure » la regarde, lui parle, l'écoute. Jamais un homme ne s'était comporté de cette façon avec elle. Il l'accueille dans son foyer, auprès du petit Mathias. Sandrine a enfin trouvé sa place. Mais un jour, la première femme revient…
Pourtant, ce n'est pas elle le problème.

Louise Mey nous décrit avec un immense talent les violences d'un homme sur une femme ou comment les mécanismes de l'emprise se déploient au sein d'un couple. le thème des violences domestiques et conjugales est de plus en plus traité dans la littérature mais il est ici abordé d'une manière à couper le souffle grâce à un personnage avec qui le lecteur ne fait qu'un, Sandrine.
Sandrine, la deuxième femme, a été conditionnée depuis son enfance par les violences d'un père humiliant et cassant. Sa vison masculiniste de la vie est très claire : les hommes sont supérieurs aux femmes, ils ont des métiers importants - docteur, policier – et lorsque Sandrine découvre que des femmes exercent ces professions, c'est qu'elles le font moins bien car elle le sait, elles sont incompétentes, inutiles. Et ce n'est pas l'homme qui pleure qui la contredira, bien au contraire. Car très vite, après les premiers temps, Sandrine va déchanter. La surveillance paranoïaque, les punitions, les insultes, l'isolement progressif, les viols puis les coups. La machine est en route, la petite voix en colère le dit dans la tête de Sandrine, pourtant, elle veut y croire encore. Pour Mathias et pour le petit haricot qui grandit en elle. Alors Sandrine se retire en elle-même et voile la réalité, scindant en deux hommes celui qui n'en est qu'un : l'homme qui pleure et qui l'aime, et Monsieur Langlois, qui est violent.
Etre Sandrine, c'est également s'interroger sur le rapport qu'a la femme avec son corps, cette masse dissociée de nous-même qui ne correspond jamais à ce que l'on est véritablement mais que les autres voient en premier. Et que l'on malmène le plus souvent.

Le style de Louise Mey, une narration saccadée, totalement introspective, nous glisse dans la peau de Sandrine. Nous sommes Sandrine, nous sommes cette barre à la nuque de Sandrine. Nous devenons un bloc de frayeur comme elle.

Sandrine n'est pas une caricature des femmes battues, l'auteure prend soin de le souligner en parlant d'une autre femme battue, importante, avec du pouvoir, bien installée dans la vie... Peu importe d'où l'on vienne, peu importe sa personnalité, peu importe sa CSP. Car toutes les femmes sont des victimes potentielles.
Ce n'est pas Sandrine, Caroline et toutes les femmes, le problème. le problème, c'est lui, l'homme qui pleure sur lui-même, Mr Langlois, l'homme qui humilie, frappe et violente. L'homme qui ne mérite pas de prénom.

Un roman à la tension psychologique incroyable omniprésente dès les premières lignes, une ambiance oppressante et glaçante, un livre impossible à lâcher. Jamais je n'ai lu une histoire qui immerge le lecteur à ce point dans l'histoire.
Bravo Louise Mey.
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