Paule passait des heures à contempler la mer. Mais elle avait perdu la capacité de la voir. De la voir réellement. Ce qu'elle contemplait, c'était une vision de la mer, la vision supposée de Juan. Elle ne verra plus jamais la mer autrement qu'à travers l'écran de cet autre regard. Elle ne regardera la mer que parce qu'il la regardait aussi. Elle regardait la mer comme les amants séparés observent leur étoile dans le ciel et se le disent à leurs retrouvailles.
Il est debout maintenant face à cette femme offerte. Il entoure sa taille entre ses deux longues mains, il la serre à l'étouffer. Il est fou. Fou de bonheur. Il voit, sur le visage de Paule, se dessiner un masque étrange, mélange de plénitude et de satisfaction orgueilleuse.
Elle aimait les forêts, les ombres imposantes, les dédales mystérieux qui ravivaient ses peurs irraisonnées d'enfant. Venait elle à s'égarer, son coeur s'emballait, elle éprouvait pleinement l'existence. Cette fois, elle n'était ni seule ni perdue, pourtant la peur, la peur délicieuse s'était éveillée en elle. Impossible de calmer son corps. Elle avançait en funambule, oppressée, non par le silence entre Juan et elle, mais par un trouble qui ne la quittait pas.
C'était écrit mais la partition n'était pas si facile à jouer. Elle qui avait eu tant d'amants, lui à peine moins de maîtresses, soudain ne savaient plus rien. Doublement démunis parce qu'ils ne possédaient même plus l'innocence de la virginité.
"- Mais pour rebondir il faut de l'élan.
- Non, la rassura Xavier, il faut une chute."