(…) quel que soit le pays -ou la région- considéré, l’analyse fait apparaître un certain nombre de variables qu’une politique axée sur l’indépendance économique doit réduire ou faire disparaître. Nous les rappelons, à dessein, pêle-mêle :
– la mauvaise articulation agriculture-industrie,
– l’urbanisation accélérée et l’exode rural,
– la dépendance technologique,
– le mimétisme dans les normes de consommation,
– l’insuffisance de la formation professionnelle,
– la taille insuffisante des marchés,
– l’absence et la faiblesse d’une planification à moyen et à long terme,
– la répartition inégale du revenu national,
– l’insuffisante diversification des exportations,
– la consommation somptuaire, la corruption, la spéculation, le bureaucratisme, les féodalités…
– la distorsion du système des prix sur des marchés non concurrentiels,
– la faiblesse des revenus agricoles,
– les polarisations régionales déséquilibrantes,
– l’inéquité et l’innéfficacité du système fiscal,
– la mauvaise gestion des grands complexes industriels,
– la faiblesse des échanges Sud-Sud,
– l’absence de structures politiques démocratiques…
(…) D’une part, elle induit une définition de l’économie autocentrée qui est construite par simple symétrie avec le « mauvais » modèle.
Les pays du Nord et du Sud, le centre et la périphérie partagent la même histoire. Ils constituent les parties inégalement développées d’un ensemble de plus en plus structuré que nous appelons l’économie mondiale, faute de mieux. Nous pensons aussi que la dynamique de l’intégration et sa logique différenciée sont d’abord impulsées par le centre développé. Cette thèse n’est pas neuve mais, contrairement à l’école de la dépendance qui a toujours défendu ce thème, il nous semble nécessaire de reconsidérer ce qu’elle présente habituellement comme le corollaire de cette conception : le blocage du développement, le développement du sous-développement. En adoptant ce point de vue, on est conduit à répéter désespérement que la seule solution pour la périphérie est la rupture radicale avec le marché mondial alors que les tenants de la thèse opposée ont beau jeu de montrer que certaines économies du tiers-monde ont réussi, avec des succès divers, une accumulation nationale, les Nouveaux Pays Industriels étant présentés comme le témoignage indéniable de ce changement. La dynamique des formes de l’interdépendance permet de reconnaître à la fois l’existence d’une accumulation à la périphérie et le maintien d’effets de domination.
Ce défi du développement indépendant, aucun pays ne peut le relever en solitaire ; si la division internationale du travail révèle aujourd’hui ses limites, l’autarcie n’apparaît en aucun cas comme une solution acceptable.