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Critique de Pasoa


Pasoa
30 décembre 2022
Plume et Lointain intérieur, deux titres qui, longtemps après que j'ai découvert le recueil, restent chargés d'un charme poétique particulier.
Henri Michaux est de ces auteurs qui m'ont fait entrer en poésie, Plume précédé de Lointain intérieur de ces recueils qui m'ont et continuent de me marquer par son caractère mais aussi par l'histoire qui me lie à lui.

L'écriture d'Henri Michaux n'est pas des plus accessibles, elle surprend, peut déconcerter par certains aspects mais elle révèle cependant une intentionnalité, une originalité touchantes.

Dans toute son oeuvre, Michaux n'a jamais voulu s'installer dans une subjectivité figée, se compromettre dans un déjà vu, un ressassement de style. Il a toujours souhaité renouveler une écriture en mobilisant la langue, en se jouant des convenances morales, du sens donné aux choses. Très perceptible dans Lointain intérieur (oublié en 1938), Michaux se livre à un combat, à un affrontement verbal dans lequel il cherche à débusquer le sens, comme pour le mettre à mal, l'éprouver. Sous le désordre apparent de l'écriture et dans une variété des registres, le poète expérimente la ductilité, la souplesse du langage.
Cette malléabilité, ce renouvellement constant de la subjectivité sont chez Henri Michaux les conditions essentielles de son écriture, l'impératif de toute sa poésie.

Un peu différente est son approche dans Plume. C'est un ensemble de textes qui ont été publiés en 1930 puis retravaillés jusqu'en 1963 et qui mettent en scène un personnage, celui de… Plume. " Un homme paisible ", " Plume au restaurant ", " Plume voyage ", " Dans les appartements de la Reine ", " La Nuit des Bulgares ", " La vision de Plume ", " Plume avait mal au doigt ", etc. sont quelques-uns des titres des chapitres de ce récit poétique. Michaux utilise ici le registre de l'absurde pour imaginer un personnage qui peut nous paraître comme étrangement familier.

Indifférent à lui-même, à toute interaction sociale, à tout ce qui l'entoure (même sous la menace d'un danger ou de la violence), Plume incarne la vulnérabilité de l'être humain, le tragique existentiel. Michaux inverse le propos de l'homme livré à une société de consommation. Dans Plume, c'est la société qui a consommé l'individu. Face à une époque devenue violente et impersonnelle, le personnage de Plume va se désengager moralement du monde, se mettre en retrait de toute pensée, de toute conviction. Dans le comportement de Plume, apparaît la perte de toute valeur humaniste, l'abandon de tout projet historique pour l'homme, le délitement d'un rapport moral à soi et aux autres.

Plume n'est cependant pas un manifeste, un plaidoyer contre un monde en perte de valeurs. Il est avant tout une oeuvre poétique, l'expression libre d'un imaginaire à portée de la réalité.
Henri Michaux, qui était aussi peintre et voyageur, à toujours été à la recherche d'une totalité, d'une satiété poétique. Il voulait une écriture qui soit en perpétuel mouvement, qui soit mobile et mobilisante. Exercice mené jusqu'aux limites de la conscience, jusqu'à se perdre soi-même. Les exigences d'une poésie incomparable.
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