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Critique de batlamb


Là où dans La Nuit remue Michaux faisait l'inventaire de ses « propriétés », il renie ici ce terme trop évocateur d'une possession figée, et se fait plus que jamais le sujet d'une dépossession permanente. le mouvement est intense, dans les images, les rythmes et les formes employées. Plume est une force centrifuge qui emmène vers une altérité introspective, un « Lointain intérieur », titre d'une partie du recueil dont la rédaction est postérieure de quelques années aux autres textes mais qui se retrouve placée au début : illustration éloquente du remue-ménage(rie) que constitue ce livre riche en animaux fantastiques, métaphore d'une identité en permanente métamorphose.

Alors on y tourne et on y retourne dans le monde de Plume. On espère y trouver et y retrouver du sens, balloté entre les brises du grand large comme un petit cheval intranquille, roulé en boule mais ne demandant qu'à se déployer, à se transformer, à s'envoler au-dessus de l'océan.

On aimerait y forger quelque chose en-Plume, mais faut-il pour cela marteler les mots d'une paire d'yeux attentifs ou au contraire laisser dériver son attention le long des lignes, avec la légèreté du duvet emporté par le vent ?

La brise tempêtueuse achoppe parfois sur un calme angoissé lorsque celle-ci est « ralentie ». La ralentie, c'est le principe féminin du poète, une pulsation qui duplique, multiplie, sa voix et le fait naître de toutes choses, à tout moment, sous des formes extravagantes. Et via ce nouveau tempo, le mouvement renaît lui aussi de plus belle.

Parmi les réincarnations de la voix de Michaux, on trouvera Plume. Plume n'en a pas conscience, mais il est atteint d'une légèreté ontologique qui semble tout faire glisser sur lui, même l'insoutenable. Il lui arrive de s'endormir dans son voyage vers un pays lointain, entre quelques cadavres et quelques réveils en sursaut. Plume est sans famille, sans amarres. le monde le tient pour coupable et ceux qui prétendent l'aider (avec une désinvolture maternaliste ou paternaliste) le rendent complice de crimes. Plume est passif, Plume se laisse faire, trop léger pour s'opposer, mais cette légèreté semble aussi bien le menacer que le sauver : moins soumis à la pesanteur, il tombe moins vite que les autres. Là où certains s'étouffent en avalant leur langue, lui accepte de la laisser partir nager avec les poissons et peut encore parler. Plume chute en tourbillonnant vers le plafond et il nous fait perdre la tête, afin qu'elle sorte des murs.

Plume nous démembre, nous change à travers les signes, nous change en signes transitoires. Il nous fait signe, et le monde nous fait signe à travers lui.
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