AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Luniver


Si vous êtes français, et que l'alternance politique gauche/droite vous paraît une sinistre plaisanterie, cet essai donnera de la consistance à ce qui ne pouvait être qu'un sentiment diffus.

L'auteur commence par rappeler les racines du libéralisme : effrayés par les carnages et l'asservissement que peuvent provoquer les communautés (religions, corporations, …) sur ses propres membres, ou les membres du camp adverses, les philosophes sont devenus très méfiants sur la Vertu, la Morale, et tout ce qui porte une majuscule en général. D'où l'idée que les individus devraient avoir la possibilité de faire tout ce qu'ils souhaitent, tant qu'ils n'empiètent pas sur la liberté des autres. L'équilibre des égoïsmes devrait mener à une société qui ne fait peut-être pas rêver sur le papier, mais qui est la moins pire possible que l'on puisse obtenir. On fait ce qu'on veut chacun de son côté, et quand on n'est pas d'accord, on passe devant les tribunaux pour trancher qui empiète sur les droits de qui.

En France aujourd'hui, il n'y a plus que des partis libéraux : la gauche a abandonné progressivement les thèmes sociaux pour les thèmes sociétaux (aucun individu ne doit être contraint dans sa vie par une Morale qu'il ne reconnaît pas (mariage homosexuel, extension de la FIV, …)), tandis que la droite se concentre plus sur son aspect économique (aucun individu ne doit être contraint à dépenser 1€ au nom d'une Valeur qu'il n'a pas choisi lui-même (réduction des cotisations sociales, privatisation des service autrefois collectifs,…)). Et si ces deux camps se présentent comme ennemis, c'est surtout à partir de leur base électorale historique, car ils partagent aujourd'hui les mêmes fondements théoriques. Écrit en 2007, le livre préfigure bien le mandat d'Hollande (de gauche, légalisation du mariage homosexuel mais allègement du Code du travail), puis celui de Macron qui offre finalement une synthèse libérale claire et rend les autres partis confus en comparaison.

Pour Michéa cependant, le postulat de départ du libéralisme est faux, car l'être humain n'est pas purement égoïste par nature. Les gestes de solidarité éclatent spontanément, et une société ne tient debout que parce que le goût du travail bien fait, le sens de l'honneur et celui du sacrifice sont largement répandus dans la population (dont une large part réclame d'ailleurs plus de protection mutuelle que d'individualisme). L'auteur incite tout de même à la méfiance, car l'individualisme a tendance à être contagieux une fois passé un seuil critique (comme il n'y a aucun intérêt à faire bloc avec des gens qui vous lâcheront au premier effort que ça leur demandera, plus il y a d'égoïste autour de vous, plus vous avez intérêt à le devenir aussi) et aujourd'hui, on a bien de la peine à trouver une « force vivante » capable de s'opposer au libéralisme.

L'empire du moindre mal est un de ces essais « coup de pied dans la fourmilière » qui donne l'occasion de voir quantité d'événements sous un jour nouveau. Il offre aussi un grand bol d'oxygène intellectuel : en renommant simplement certaines choses de la bonne façon, des problèmes qui paraissaient flous et frustrants dévoilent soudain des réponses lumineuses.
Une seule réserve pour le moment, la généralisation du propos en dehors du contexte de la France, qui ne me paraît pas aller de soi.
Commenter  J’apprécie          221



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}