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Critique de Denis3


La belle et la bête
OU
Un conte des mille et un jours.

Mille et un jours. Et les nuits sont comme les jours: des fournaises, sans même un souffle de vent. Bienvenue à Kaboul, la ville oú les différences sont abolies. Une ville en ruines. Les maisons qui restent encore debout, croulent et se déchirent, s'affaissent, produisent leurs ouvertures béantes. Bienvenue à Kaboul, la ville qui veut rentrer sous terre.

Kaboul qui ne tolère pas la différence. Ici, il n'y a que des hommes, des puritains, des enragés. Les femmes, ne pouvant être des hommes, n'ont qu'à cacher leur féminité sous des tchadris, sortes de tentes mobiles qui les recouvrent jusqu'aux semelles. Et même alors, à se faire oublier, à ne surtout pas parler, à ne rien demander. C'est à ce prix, à ce prix seulement, que l'on peut ignorer, et donc tolérer, leur existence.

Des hommes, des fantômes où il y aurait des femmes, et des enfants. Des enfants, oui, mais enfants de personne. Les guerres interminables ont déchiqueté les familles , et leurs rejetons errent en bandes dans la ville, cherchant quelque chose à manger ou à voler. Bienvenue à Kaboul où les femmes ne sont pas et les enfants vivent en meutes. Kaboul l'infernale.

Atiq et Mussarat. L'ancien mujahedin et l'infirmière qui lui a sauvé la vie, à la guerre. C'était...avant Kaboul. Maintenant, Mussarat a le cancer, tient à peine debout. Atiq lui en veut, il lui en veut terriblement. de ne plus pouvoir assurer les travaux domestiques. de solliciter sa pitié. La pitié ! Qui parle de pitié dans une ville où seuls comptent le devoir, la norme, la bienséance ? Il doit se retenir, il la frapperait. Comment ose t-elle menacer sa routine en dépérissant, en mourant ?

Mohsen et Zuneira. Il approchait la carrière diplomatique, elle était magistrat. C'était...avant Kaboul. A l'époque où il y avait encore des livres, des défilés de mode, des cinémas...Un monde inimaginable. Ils essaient de rester à l'écart du présent, de vivre en reclus, hors du monde. Mais il les rattrape

C'est ainsi que les vies d'Atiq et de Zuneira se croisent. Et que se produit quelque chose d'inimaginable à Kaboul : l'amour. Inimaginable qu'au-delà des égoïsmes, des peurs et des lâchetés, existe la passion pour l'autre. Une passion qui peut vous saisir, vous faire tournoyer puis tituber, dans une direction aussi nouvelle qu'imprévisible. Voilà, assurément, les pires menaces qu'un régime totalitaire puisse rencontrer : la passion, incontrôlable, et le courage qu'elle donne... le courage de vivre, de faire face, de mourir s'il le faut.

J'ai été réellement surpris par ce livre. Je termine un tour d'horizon rapide des classiques, où j'ai découvert la beauté. Balzac, Giono, Zweig, D Ormesson avaient cette richesse de vocabulaire, ce choix des mots, cette élégance des structures qui m'y feront retourner bientôt. Mais ici il y a autre chose. La rencontre – fortuite mais déterminante – d'Atiq et de Zuneira est évoquée avec un force – c'est le mot ! – une force indicible. Imaginez ouvrir une banale porte et regarder droit dans le coeur d'une fournaise stellaire : un réacteur thermonucléaire en action. Une étoile explose au coeur de la nuit où se sont enfermés les hommes. Seul l'amour peut nous sauver …!

Merci à Cannetille, qui m'a fait connaître cet auteur, et tant d'autres. Il n'y a pas que les classiques.



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