Citations sur Le Jihadisme français : Quartiers, Syrie, prisons (11)
Tout au long de ces années, les jihadistes ont bénéficié d'une asymétrie : ils connaissaient mieux le fonctionnement des sociétés "ennemies" dont ils étaient issus que celles ci ne comprenaient leurs actions.
La Haute Garonne et l'arrière pays ariegeois représentent le seul territoire en Europe qui accueille à la fois, à Artigat, le phalanstère le plus emblématique et fonctionnel, et, dans le quartier populaire toulousain du Mirail, l'enclave communautaire la plus structurée.
Au terme de ce travail, nos observations sur le terrain nous convainquent tout d'abord que le Jihad global, comme tel, n'existe pas. Son mode opératoire le plus efficient reste celui des petits nombres. Et les contradictions internes s'amplifient à mesure que le mouvement se développe. Ce constat permet de comprendre comment l'Europe est sortie en 2017 d'une période marquée par la multiplication des attentats presque aussi soudainement qu'elle y était entrée en 2015.Mais la situation de calme relatif depuis lors tient davantage aux erreurs commises par les zélotes qu'à la réponse apportée par les pouvoirs publics. Ceux ci continuent d'évoluer dans une perception approximative d'un phénomène qui n'est pas abordé dans sa pleine dimension sociétale.
En périphérie de la 4e ville de France, ils trouvent l anonymat et la liberté qui leur manquaient pour exprimer leur conservatisme. Ils font figure de pionniers à Bagatelle, Bellefontaine et La Reynerie par l'ostentation de leur croyance et y confèrent une visibilité inédite au salafisme. Les femmes notamment ne sortent que dissimulées sous un voile intégral (niqab). Certains voisins les désignent comme "le gang des Belphégors".
A l'image du traçage des animaux à l'abattoir, la mort au front constitue l'horizon administratif de tout nouvel émigré au sein de l'État islamique
C'est sympa de venir nous voir en prison, mais si j'étais vous, j'irais voir ce qui se passe dans les écoles. Nous (les jihadistes incarcérés), on va sortir de taule, et pour la plupart, on va y retourner pour les mêmes faits. [ ] On estla génération sacrifiée, mais celle de nos enfants, on est en train de l'éduquer pour que quand ils auront nos âges, le rapport de force face à l'Etat leur soit favorable, qu'ils soient tellement nombreux, que l'Etat ne puisse même plus les mettre en prison....
A la question : pourquoi ces jeunes partent-ils faire le jihad en Syrie ? qui s'impose depuis 2014 dans les études sur la radicalisation, nous avons voulu substituer une autre interrogations : qu'est-ce qui lie Strasbourg à Raqqa ? Nice à Idlib ? Lunel à Deir ez-Zor ?
[l'après Merah] La violence des attaques aurait du être le point de départ d'une réflexion approfondie. Il n'en a rien été. Entièrement décontextualisée, l'analyse des événements n'a pas dépassé celle d'un vulgaire fait divers. Rarement le débat public n'a paru autant coupé de la réalité.
En interprétant les meurtres de Merah comme la réaffirmation du dogme "fondamental", les jihadistes zélotes font de celui-ci un rôle-modèle. Il en va ainsi pour la plupart de ceux qui prendront de l'importance sous Daech, à l'instar de Mehdi Nemmouche, auteur de l'attentat contre le musée juif de Belgique en mai 2014 et qui rêvait de "finir comme Merah".
Tout au long de ces années, les jihadistes ont bénéficié d'une asymétrie : ils connaissent mieux le fonctionnement des sociétés "ennemies" dont ils étaient issus que celles-ci ne comprenaient leurs actions. Cela est en passe de changer : le retard en la matière est en train de s'estomper et nous espérons que ce travail contribue à le combler.