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Critique de Presence


Il s'agit d'une histoire complète (et du début d'une série), initialement parue en 2010. Ce tome regroupe les 5 épisodes de la minisérie.

L'histoire commence de nuit, en août 1916 à Villefranche, en France. Un zeppelin allemand flotte au dessus de la ville. Un homme avec une jambe de bois arpente les rues en pourfendant des vampires en uniforme militaire, à l'aide de son épée, de sa hache et de son harpon. Alors que les vampires reculent et cherchent refuge dans le dirigeable, la foudre vient les griller. Après ce massacre, Lord Henry Baltimore est recueilli par une vieille sorcière qui prétend avoir déclenché la foudre. Vanessa Kalderas (sa petite fille) se montre plus amicale vis à vis de Baltimore et lui demande de l'emmener pour quitter ce village. Baltimore souhaite poursuivre sa quête seul : il pourchasse Haigus, un des chefs de meute des vampires.

À l'origine cette série est née de l'envie de Mike Mignola d'écrire une histoire de vampires (monstres qu'il utilise avec parcimonie dans les séries d'Hellboy ou du BPRD). Elle a d'abord pris la forme d'un roman de Christopher Golden, illustré par Mike Mignola : Baltimore, or the steadfast tin soldier and the vampire (2007, en anglais). L'histoire racontée dans le présent tome se déroule avant le livre.

La scène d'introduction ne laisse pas de place au doute : ces vampires sont des monstres suceurs de sang qui ont perdu leur attache avec l'humanité. Pour survivre les hommes doivent les exterminer, il n'y a aucune place pour la rédemption, ni même la coexistence. Cette première scène est également emblématique de la suite. La narration laisse une place importante aux scènes d'action muettes. L'histoire est illustrée par Ben Stenbeck qui avait déjà mis en images les premières aventures de Sir Edward Grey (Witchfinder) dans In the service of angels (en anglais). le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a fait des progrès impressionnants. Sa façon de dessiner reste toujours influencée par Mike Mignola dont il a gardé l'utilisation d'aplats de noir imposants, ainsi qu'une simplification des formes pour s'approcher d'une représentation iconique. Malgré tout, il ne possède pas la maîtrise de Mignola et il n'ose pas encore aller jusqu'à l'abstraction. de la même manière il préfère utiliser des contours moins anguleux que ceux de Mignola, plus rond, plus agréables à l'oeil, moins provocateurs.

Stenbeck arrive à merveille à rendre l'atmosphère pesante et chargée de peur qui règne sur le village, la monstruosité de la situation des soldats dans les tranchées, la sourde angoisse de l'île désolée sur laquelle la famille de Baltimore s'est installée. La composition de chaque image est savamment pensée pour que les détails d'époque permettent au lecteur de se projeter dans l'environnement des personnages, et pour que l'apparence des vampires soit horrifique sans reposer sur une description clinique. À chaque page il est possible de retenir une ou plusieurs images marquantes : le visage de la sorcière avec son oeil mort, le cimetière sous-marin, l'étrange fourneau de la dame Fulcanelli, la propagation des champignons, etc. À l'aide des couleurs toujours discrètes et pertinentes de Dave Stewart, Stenbeck mitonne des ambiances malsaines qu'il s'agisse d'un affrontement lors de la guerre des tranchées, ou d'une attente forcée sur un îlot déserté habité par une présence menaçante (un moment digne d'Howard Philips Lovecraft).

Ces ambiances glauques doivent également beaucoup au savoir faire de conteurs de Golden et Mignola. Il est évident qu'ils s'amusent beaucoup avec les poncifs du genre : village isolé, île hantée, vieille sorcière au visage hideux, pouvoir des symboles religieux comme la croix, vampires détruisant l'humanité, etc. Comme souvent dans les récits de Mignola, l'hommage aux maîtres de l'épouvante des siècles passés imprègne son récit. Mais ici, les auteurs ont opté pour un ton très factuel. Ils ont rajouté une couche de destin implacable (artifice narratif cher à Mignola) et le lecteur peut se régaler de cette histoire pour faire peur au premier degré, plongé dans une époque (la première guerre mondiale) qui semble sonner le glas de la civilisation du fait de l'ampleur de l'hécatombe. Ils narrent un épisode dans la lutte d'Henry Baltimore contre les vampires, tout en prenant bien soin que le récit forme un tout complet. Il n'y a pas de sentiment d'insatisfaction en refermant l'ouvrage, il y a bien un sentiment de clôture du récit. Mignola et Golden réussissent à utiliser tous les clichés inhérents au chasseur de vampire (initié par Bram Stoker lui-même), tout en les utilisant dans un contexte différent et en leur redonnant toute leur force et leur fraîcheur.

Ce premier tome des aventures de Lord Baltimore permet de faire connaissance avec un homme entièrement dévoué à sa tâche et qui connaît le prix à payer. Les horreurs sont à la fois graphiques et psychologiques. Golden Mignola et Stenbeck savent revenir aux fondamentaux du récit de vampire et ils en manient les codes avec maestria.
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