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Critique de HundredDreams


Après avoir lu et adoré « Coeurs cicatrisés » de Max Blecher, traduit par Gabrielle Danoux, j'ai eu envie de lire un autre roman de la traductrice et j'ai choisi « La femme chocolat ».

Ce roman relate une sombre histoire de passion amoureuse, véritable torture psychologique pour le narrateur qui s'emprisonne dans un triangle amoureux dont il ne peut sortir.

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Le titre m'a tout de suite rappelé la célèbre chanson d'Olivia Ruiz.
Ces deux femmes chocolat ont en commun le charme, la séduction. Mais « la femme chocolat » de Gib. I. Mihaescu est très différente. Par son attitude provocante et fascinante, elle joue avec les sentiments de Négrisor, le narrateur, attisant sa colère et sa jalousie.

« Elle s'était maintenant relevée et le regardait, souriante comme un chien qu'on gâte parce qu'il est prêt à affronter la mort au moindre signal. »

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Dès les premières pages, j'ai été saisie par la puissance du texte. Il se dégage une force inouïe.
Je ne vous dévoilerai pas le texte mais j'ai particulièrement aimé la première partie du texte, avec cette idée de précipice devant la fenêtre du salon d'Eleonora, cet attrait du vide semblable à ce vertige amoureux.
Et que dire de cette scie aux dents métalliques acérées que Négrisor voit et entend, miroir de ses émotions.

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A travers ce texte, on découvre Négrisor, un être à part, instable, taciturne. Très discret sur ses sentiments, il n'ose avouer à Eleonora les sentiments qui l'animent. La beauté délicieuse de son teint couleur chocolat l'obsède. Cette femme accapare ses pensées, ses rêves dans lesquels il peut la déshabiller sans pudeur et parcourir son corps, la goûter, la savourer.

« Dans son imaginaire, il admira ce corps entièrement nu, allongé devant lui, enveloppé de cette même couleur foncée et dévorante du visage, se débattre insatiablement dans les frissons de la passion… »

Les autres femmes sont quelconques à ses yeux, insipides. N'ayant pas cette saveur chocolatée qu'il aime tant, elles s'évaporent devant cette sublime « bachelette ».

« Ses cheveux de chocolat, ses pommettes, ses bras ronds, son cou et tout ce qu'on pouvait entrevoir de l'insatiable poitrine, le tout, absolument tout de la douce couleur chocolat, Negrişor les regardait avec l'envie que ressent un enfant devant un gâteau. Dans sa bouche cupide d'anthropophage, il les sentait fondre. »

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Sûre de son pouvoir de séduction, à la fois attirante, provocante, manipulatrice, insatisfaite de son manque d'engagement et de sa réserve, Eleonora, charme Modreanu tout en observant les réactions de Négrisor.

Négrisor apparaît ainsi bien fragile. Son comportement obsessionnel, maladroit et incompréhensible, l'insupportable présence de ce rival le précipitent dans des rêves éveillés, des hallucinations, des pensées violentes, des pulsions inquiétantes. La peur de ne pas être l'heureux chanceux qui ravira le coeur de la belle le fait douter sans cesse.
Le lecteur suit cette joute amoureuse, pris dans ce tourbillon de sentiments exacerbés et d'émotions contradictoires. La réalité et le rêve se confondent, soulignant la souffrance psychologique du narrateur, son sentiment d'exclusion et de rejet.

Son esprit torturé m'a beaucoup questionné et je me suis interrogée sur la part qu'occupe la réalité dans ce récit en partie fantasmé.

J'ai aimé suivre les pensées du narrateur, instillant au lecteur une angoisse, la peur, l'attente d'un drame imminent.
Lequel ?
Plusieurs hypothèses se bousculent dans l'esprit du lecteur qui, impuissant, ne peut que poursuivre, espérant un dénouement heureux, mais envisageant tout de même une fin tragique.

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Durant tout le récit, j'ai trouvé les personnages ambigus, sombres, inquiétants.
J'aurais pu avoir de l'empathie pour cet homme malheureux qui aime mais qui est devenu le jouet de cette femme malsaine. J'aurais pu compatir mais pourtant, je n'ai pas pu m'attacher à cet homme bizarre, un peu fou aussi, honteux du désir qu'il éprouve.
D'habitude, j'ai besoin de ressentir de l'empathie pour le personnage principal, mais cette fois-ci, cela ne m'a pas gêné, bien au contraire. Cette absence de sympathie rend le narrateur inquiétant, voir dangereux.

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Pour conclure, le texte est harmonieux, se déployant avec finesse, intensité et sensualité. La traduction de Gabrielle Danoux est très belle.
Le style recherché, poétique, obscur crée une atmosphère dramatique qui m'a plu.
Ce roman restera pour moi une belle découverte littéraire.
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