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Critique de candlemas


Cet ouvrage de 1974, un classique de la psychologie sociale, rend compte d'expériences réalisées au début des années 60, mais –malheureusement- des expériences similaires récentes, variant genre et lieu dans le monde, confirment la valeur de ses conclusions. Stanley Milgram se propose d'étudier comment l'être humain concilie autorité et conscience individuelle. L'expérience montre que les actes, allant du suicide collectif à l'héroïsme, ne sont pas tant déterminés par des qualités personnelles que par la situation.
Dans cette expérience, un panel de personnes participe à ce qui est présenté comme une « expérience scientifique légitime ». le « jeu » consiste, pour des personnes faussement placées dans le rôle de moniteurs, guidés par les ordres d'expérimentateurs pseudo-scientifiques, à infliger –du moins c'est ce qu'on leur fait croire- des douleurs de plus en plus intolérables à des élèves, en réalité complices de l'expérience. L'objectif est de pousser toujours plus loin le confit entre la conscience personnelle et la soumission à l'aurorité, le participant se trouvant confronté d'une part aux ordres de l'autorité, d'autre part aux plaintes -fictives- du faux-élève puni.
Les résultats s'avèrent inattendus et inquiétants : la plupart des personnes continent d'administrer la douleur supposée jusqu'à un degré insupportable. Grace à « une restructuration soigneusement calculée de l'information et de l‘environnement social », il s'avère possible de neutraliser les principes moraux de la personne, non que cela la transforme en sadique, mais par soumission à l'autorité : déresponsabilisé, il agit en agent, soucieux d'agir le plus conformément possible à l'objectif assigné.
La suite de l'expérience consiste à varier les facteurs extérieurs, afin d'affiner la connaissance de leur lien avec la soumission. Il s'avère que la proximité de la victime accroit la rébellion, l'assimilation psychologique à un groupe jouant en faveur de la « victime ». de même, éloigner l'expérimentateur-autorité réduit l'obéissance, le participant s'autorisant alors à tricher, ce qui constitue une variante de la rébellion ouverte. de même, toute ambiguïté dans le détenteur d'autorité brouille la cohérence du système de soumission brèche dans laquelle engouffre alors l'indiidu.
Les processus d'adaptation adoptés par les personnes pour justifier leur acte de soumission sont variés, mais beaucoup se laissent absorber par les aspects techniques de leur action, se positionnant alors comme simples rouages ; ce qui leur permet de nier toute responsabilité. Milgram s'appuie sur ces constats pour dénoncer dans la division du travail des sociétés modernes l'un des éléments expliquant la perte de vue d'ensemble par l'individu.
Outre la puissance de l'autorité, intrinsèquement contenue dans son caractère institutionnel, une autre « force » vient rivaliser avec elle pour annihiler le libre-arbitre : le conformisme lié à la formation d'un groupe… à tel point que la force du groupe peut finalement s'imposer, aux dépens de l'autorité, sans pour autant qu'on puisse parler d'un rétablissement du libre-arbitre.
Cette expérience peut sembler choquante, et rappelle de sombres souvenirs historiques, mais Milgram vise justement à détruire cette confiance a priori qu'a chacun d'agir suivant son moi profond plutôt qu'en réaction à un environnement donné. Tenté d'exhorter l'individu à faire acte de conscience et abolir l'obéissance aveugle -aisément construite par l'autorité-, Milgram n'oublie pas cependant que cette obéissance à la hiérarchie ou/et au groupe est un facteur de survie de l'être humain dans la structure sociale qui le protège. Par suite, la conscience individuelle elle-même l'a intériorisée, et produit souvent un sentiment de honte ou d'anxiété chez celui qui se révolte. Dès lors, assez pessimiste, Milgram estime finalement que le seul recours individuel « reste une attitude de scepticisme général et systématique vis à vis des critères que le pouvoir tente d'imposer ».
Un ouvrage vite lu qui, au-delà du premier choc, instruit, et invite chacun à une prise de recul salutaire...
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