Les journaux, les revues, les radios aspirent goulûment leurs états d'âme et leur contrition, fabriquant, du même coup, une heureuse catégorie moderne de bien-pensants, dont l'espèce se reproduira avec grand succès. Je veux parler de ces intellectuels, virtuoses dans l'art de l'aveuglement, qui bâtiront une réputation d'honnêteté intellectuelle sur le socle de leurs faramineuses erreurs.
-Quelqu'un a dit: "Cendrars ment tellement qu'on ne peut même plus croire le contraire de ce qu'il dit." C'est vrai ça?
Il me regarde fixement, ferme légèrement son œil gauche dans un tic qui lui est habituel lorsqu'il vous écoute:
-Quand je faisais du grand reportage à Paris soir, Lazareff me dit un jour: "Blaise, avoue que tu n'es jamais monté dans le Transsibérien." Je lui ai répondu: "Si c'était le cas, ça changerait quoi, puisque je vous l'ai fait prendre à tous."
-Blaise, je n'ai jamais pensé à vous le demander, mais pourquoi Blaise et pourquoi Cendrars quand, à l'origine, on s'appelle Frédéric Sauser?
En lui posant cette question, j'ignorais que c'était la dernière fois que je le voyais vivant. J'avais reçu une carte de lui et remarqué que son écriture était devenue comme vacillante. L'origine de son nom de plume m'avait traversé l'esprit, d'où mon interrogation. Il me répondit:
-Blaise...Braise...Cendrars...Cendres...Qui sait?
Le secret de la charge onirique qui avait armé toute la vie de Cendrars se trouvait, peut-être, bien dans cette braise et dans ces cendres. Cendrars, le phénix qui, sans cesse, renaît, Cendrars, l'homme dont le parcours n'est qu'une longue métamorphose.
-Le plaisir littéraire, c'est donc quoi pour vous?
-la postérité, je m'en fous! Le plaisir, cela consiste à être apprécié d'un petit nombre et être totalement ignoré des imbéciles. (Paul Léautaud)
Chardonne parle de Nimier:
- Il m'a ressuscité. je lui ai écrit...Mais il devrait se méfier des maudits. Céline, Rebatet,...Il écrit trop souvent sur les traîtres, ça lui jouera des tours.p.176