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Critique de gruz


gruz
26 février 2019
N'en déplaise à certains, il y a deux genres littéraires à l'influence majeure si on veut comprendre le monde. le roman noir qui donne une photographie de nos sociétés et de leurs dérives, la SF pour extrapoler notre futur depuis cette photo.

La cité de l'orque est un thriller dystopique qui nous plonge dans un 22ème siècle où les États tels que nous les connaissons n'existent plus. Les dérèglements climatiques ont brouillé les cartes et les hommes ont terminé de semer le chaos. Loin des zones côtières submergées et des déserts intérieurs, d'immenses villes flottantes ont été construites. Qaanaaq est l'une d'elle, au large du Groenland.

Voilà bien le genre de roman qui avait tout pour m'emballer : un univers proche, post-apocalyptique. Des thématiques qui résonnent directement à nos oreilles actuelles.

Verdict : j'ai été aussi transporté que je l'espérais. La 4ème de couverture parle d'une ambiance à la Blade Runner, c'est vrai qu'on retrouve des similitudes dans l'esthétisme, je vois ça comme un vrai hommage. Et j'ai retrouvé dans ce livre ce que j'apprécie tant chez mes auteurs préférés du genre. Lanceur d'alerte comme un Paolo Bacigalupi, humaniste comme un Robert-Charles Wilson.

Sam J. Miller se définit comme un activiste et un agitateur professionnel, en dehors d'être écrivain. Cela se ressent dans son texte, même si sa manière de faire est subtile et intelligente, sans être donneuse de leçons.

Il pose un contexte et une atmosphère qui mettent en perspective les dysfonctionnements actuels par le biais de la fiction dystopique. Et ça fonctionne.

La cité de l'orque est un roman aussi divertissant que poussant à la réflexion. Sans oublier ce qui, pour moi, est essentiel dans un récit, l'aspect humain.

Qaanaaq est une cité du froid. Imaginez une plateforme pétrolière démesurée, aux contours fixes, surpeuplée. L'auteur américain dit pourtant s'être inspiré de New York, ce qu'on comprend aisément. Les conditions de vie sont difficiles, la pauvreté y est endémique, et l'écart entre les riches et les indigents y est une transposition extrême de ce qu'on connaît déjà. Ce sont les propriétaires de logements qui règnent en maître. La ville est gérée par des logiciels, quand les riches ne s'occupent que d'encaisser.

Le roman parle de nous, maintenant, en nous projetant dans un futur hypothétique mais parfaitement crédible. Il parle de notre manière de ne pas regarder les problèmes en face, de ne pas comprendre que ce qui se déroule ici et maintenant aura de terrible répercutions.

L'histoire est foisonnante d'idées qui mettent en belle évidence le lien inextricable entre les comportements et les répercutions (les changements climatiques accentuent la lutte des classes et poussent encore davantage au chaos, etc.).

Les riches thématiques sont à examiner avec une vision globale : environnemental, social, politique, économique, philosophique… Quand Miller parle de réfugiés, la problématique de son siècle prochain n'est que le reflet exacerbé du notre.

Aucun doute, le personnage principal est la ville flottante. le roman est choral et met en scènes plusieurs personnages dont les destins sont liés. Une intéressante manière de montrer l'interconnexion entre les personnes. Avec des protagonistes aux contours bien dessinés, aux caractères marqués, aux failles visibles. Sans parler du lien fort avec les animaux (une des nombreuses belles idées du livre).

En parlant de failles, voilà sans doute l'idée la plus audacieuse du roman. « Les failles » y sont une maladie sexuellement transmissible, aux symptômes et aux répercutions étonnants. Bien plus qu'une maladie…

La cité de l'orque est un roman foisonnant mais construit avec brio, sans risque de perdre le fil. Une vision réaliste et pessimiste de notre futur autant qu'un formidable divertissement, alliant rythme et surprises, réflexions inspirées et une vraie fraîcheur apportée par la jeunesse d'un auteur extrêmement prometteur. Une belle réussite pour un premier roman adulte. Sam J. Miller est à suivre de près.

A noter que le roman vient d'être sélectionné pour le prestigieux prix Nebula. Cette récompense incontournable de l'Imaginaire, attribuée par l'association des auteurs de science-fiction américains, couronne depuis 1966 les meilleurs oeuvres d'Imaginaire. Son premier lauréat fût Dune, de Franck Herbert.
Lien : https://gruznamur.com/2019/0..
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