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Critique de domi_troizarsouilles


Quand on cherche « polar portugais » au hasard sur Google, on tombe assez vite sur cet auteur apparemment prolifique, mais peu traduit en français. D'ailleurs, le présent titre, que les éditions de l'Aube présentent comme « la première enquête de Mário França », est effectivement son premier livre qui ait été traduit en français, mais dans la série mettant en scène ce fameux détective, il n'est en fait que le 2e chronologiquement parmi les traductions : « L'étrange affaire du cadavre souriant », par exemple, le premier en réalité, a été publié en 1998 au Portugal, mais traduit seulement en 2014 – tandis que les présents Vautours, publiés quant à eux 6 ans plus tard au Portugal (en 2004), avaient été traduits dès 2011 en langue française… Et avec ça, une chronologie exacte des aventures de Mário França semble introuvable en ligne, que ce soit en français ou en portugais, tandis que seuls quatre titres (les quatre liés à notre détective) ont bel et bien été traduits, dans l'ordre pour les deux suivants.

Quoi qu'il en soit, je pense que ces livres peuvent se lire indépendamment les uns des autres ; en tout cas, cette prétendue « première enquête » met en scène le détective de façon à ce que le lecteur ait l'impression de le découvrir – ou alors il est particulièrement redondant… oui, il l'est ! – avec en plus un excès de détails, qui manquent parfois dans certaines traductions, mais qui ici frisent l'inutile. Par exemple, dès qu'un nom portugais apparaît, le traducteur s'est cru obligé de mettre en note de bas de page comment le prononcer… Alors, pour moi qui ai quelques notions de portugais (j'ai suivi quelques cours dans une autre vie, c'est vite devenu du « portugnol », mais disons que je sais comment prononcer la langue de façon générale), c'est rédhibitoire, tandis que le lecteur francophone lambda s'en fout un peu, non ? du moment qu'il s'y retrouve dans les (très nombreux) différents personnages, ce qui est tout de suite moins aisé, quoi qu'il en soit de la prononciation respectueuse de l'original…

À part ça, je me rends compte que je retarde le moment d'expliquer la perplexité dans laquelle me laisse ce livre… D'enquête, on n'a qu'une parodie au 36e degré au moins, ce que certains appellent de l'humour peut-être, mais tellement éloigné de l'humour qui me touche vraiment, que je ne sais qu'en penser ! Pour sûr, ce n'est pas de l'humour qui fait travailler les zygomatiques, je ne pense pas avoir ri une seule fois. On est bien davantage dans une longue et éternelle digression sur tout et sur rien, dans un langage parfois presque poétique, parfois engagé, parfois au contraire très léger. L'aspect polar se perd dans cette rêverie souvent languide, il ne faut certainement pas attendre du suspense de cette « enquête » ! et si on se demande parfois ce qu'il en est de l'avancée de Mário dans ladite enquête, il ne faut pas trop s'attendre à la suivre à la façon d'un policier classique. Pour le dire autrement : je ne qualifierais pas une telle lecture de plaisante, d'ailleurs j'ai lu ce livre en parallèle à quelques autres, et ce n'était jamais celui qui m'emballait le plus… Pourtant, il y a quelque chose qui accroche, on a envie de savoir, mais quoi exactement ?... Ou peut-être s'est-on habitué à suivre les divagations (certes tellement sensées, parfois), mais alors à petites doses, de ce protagoniste qui n'est jamais attachant et dont la fatuité agace, tandis que son côté atypique intrigue.

C'est un protagoniste tout à fait hors normes, il faut bien le dire ! Mário França est un détective privé qui se prétend tout à la fois quelconque et passe-partout dans tant et tant de situations, mais en même temps il aime se mettre en avant-plan et s'auto-déclare « meilleur détective au monde » ! On l'imagine insignifiant, voire frêle et sans envergure, mais il est souple et agile au point de mettre ko trois « gorilles » en trois coups de cuiller à pot. Il déborde de super-pouvoirs, que l'on peut certes rencontrer chez l'un ou l'autre individu – il est un « nez » et reconnaît n'importe quel parfum ; il peut reconnaître les différentes races de chiens qui donnent un concert d'aboiements ; il est spécialiste de l'interprétation du langage non-verbal ; etc., etc. Mais donc, il en rassemble un tel nombre qu'on arrête très vite d'en faire la liste, en fait il tient du super-héros de légende avec tous ces super-pouvoirs rassemblés en un seul homme, qui vont lui permettre de résoudre une double affaire sans qu'il y ait vraiment d'enquête, à proprement parler.

En fait, l'histoire commence comme un polar sans grande surprise : Paula Dagostine, une peintre d'origine croate, a disparu, et son riche amant du moment engage Mário França pour la retrouver. Parallèlement à ça, lors d'une réunion publique du « Conseil des sages », groupe rassemblant différents universitaires de haut niveau, leur président meurt empoisonné en buvant un vieux porto qui avait été servi à tous (et tous les autres se portent bien!). Comme Mário était présent à cette réunion, et avec la conviction qu'il y a un lien entre les deux affaires, il se sent investi de la mission de découvrir le meurtrier. Partant de cette double affaire somme toute assez classique, on s'éloigne très vite dans une longue digression surréaliste (comme j'expliquais plus haut), avec les trois acolytes plus bizarres les uns que les autres qui aident Mário dans ses pseudo-recherches (mais de quoi exactement ?), et souvent très sensuelles, voire érotiques… ou inspirées de « jeux » comme la corrida par exemple. Je ne sais pas trop comment ces lignes ont pu passer en 2011, mais dans le puritanisme exacerbé qui caractérise ces 2-3 dernières années, je doute que ce livre eût été aussi bien accepté.
Parmi ces passages très ambigus (si l'on peut dire), je me plais à relever une certaine description de la ville de Porto, à la page 160, chapitre Vingt-trois (chaque chapitre étant titré d'un numéro écrit en toutes lettres) : « La nuit, de temps en temps, Porte se vêt de brouillard. Comme si la ville se parait d'une longue robe satinée ourlée des perles de verre et des paillettes scintillantes de l'éclairage public. Comme si elle était une courtisane languissante allongée, mielleuse, sur la berge du fleuve, s'offrant aux passants, les tentant par la vision furtive de ses parties les plus intimes, les formes généreuses de ses immeubles séparés par de voluptueux vallons où les yeux se perdent, la respiration haletante de son trafic, la pilosité publique de ses jardins suggérée au regard par quelques touffes plus sombres. » On est d'accord (n'est-ce pas ?) qu'un tel passage est à la limite du très choquant, plus encore quand on sait que tout le livre est émaillé de (très nombreuses) allusions aux formes du corps féminin, comme un leitmotiv obsessionnel de l'auteur, ou du moins de son personnage ; mais en même temps, ça a quelque chose de terriblement sensuel, de magnifique dirais-je même !

Bref, je ne peux pas dire que j'aie passé un bon moment de lecture avec ce livre, qui reste assez peu plaisant à lire, si ce n'est à petite doses. Certes, c'est un polar, mais tellement atypique qu'on ne peut pas tout à fait le qualifier de « bon », ni même de prenant, et pourtant on ne peut pas le lâcher, tout en décidant très vite qu'on ne lira probablement pas un quelconque autre opus de la série. En quelque sorte, on est réellement envoûté ! Pourtant, la pseudo-enquête est émaillée (et même noyée sous) de multiples digressions, dont un certain nombre ont un caractère sensuel voire érotique puissant, à la limite du choquant parfois, et se résout de cette façon qui semble tout à coup sortir du chapeau alors que rien n'y préparait (ici encore moins qu'ailleurs, puisqu'il n'y avait pas de suspense, ni de réelle intrigue policière !). Mais alors, le twist final (beaucoup moins inattendu que la résolution de l'enquête à vrai dire, mais on en reste baba quand même !) laisse croire que cet auteur a bien quelque chose de génial !
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