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Critique de EricLatteBXL


Sébastien Roch n'était pas le nom que je m'attendais à installer dans ma bibliothèque, et pourtant, je m'en suis délecté. Il ne s'agit pas de la biographie d'un acteur de sitcom, mais bel et bien d'un titre de la littérature classique et engagée de la fin du XIXème siècle. Je me suis donc laissé tenter, et je ne le regrette pas. Sébastien Roch n'est pas un roman superficiel. Bien au contraire, il dénonce, à travers la plume d'Octave Mirbeau, les atrocités commises par les prêtres au collège de Vannes. A l'époque, la bonne société a crié au scandale d'un livre anticlérical, mais personne n'a pas en considération qu'il s'agissait dans le récit, du pire crime qu'on puisse infliger à un enfant. le viol, par l'abus d'autorité, dans la religion, aura mis plus d'un siècle à être reconnu. le roman était donc en avance sur son temps.

Octave Mirbeau, dans ce troisième roman, utilise une plume très descriptive pour compter l'histoire de ce pré-adolescent. Il le fait néanmoins avec pudeur, et, on imagine qu'il aurait été insoutenable de décrire le viol dans ses moindres détails. L'histoire est crédible et réaliste. le jeune Sébastien est un enfant perdu dans un univers hostile. Par l'éducation, on lui impose de grandir dans un système de valeur qu'il exècre mais contre lequel il ne peut rien. Sébastien est un enfant différent : rêveur, sensible et naïf. Il entre bien trop tôt dans cet univers auquel personne ne l'a réellement préparé mais pour lequel son père ne cesse de rêver pour lui à un avenir meilleur, loin de la quincaillerie familiale. Sébastien a la beauté de sa singularité, comme beaucoup d'enfants victimes de pédophiles. C'est de cette façon que sont décrites les pensées du prêtre après qu'il ait commis son crime. Il cherchera à se dédouaner et y parviendra, et peu importe qu'il ait mal agi. le père de Kern représente le pouvoir et l'autorité. A cette époque, le droit des enfants était une chimère. Toujours se taire, étudier, ne rien remettre en question. Pourtant, dès les premiers enseignements, c'est ce que Sébastien fait. Il tombe de son piédestal concernant l'éducation inculquée. Il était persuadé de la bonté de l'église, mais se retrouvera élève d'une machine à formater les têtes pensantes de la bonne société de l'époque : se raccrocher à sa naissance et asservir les autres. Sébastien n'est pas taillé pour cette existence-là. Il aime rêver, il aime les arts. Ce sont des crimes lorsqu'on n'est pas bien né. Il voudrait rêver et apprendre ce qui lui est interdit. Innocemment, il ne s'apercevra pas du piège charnel dans lequel on le fera tomber.

Outre le viol, je pense qu'il s'agit de l'histoire d'un adolescent pré pubère en quête d'amour de ses camarades. S'il n'est jamais mentionné explicitement l'homosexualité du garçon, on la devine par ses centres d'intérêt, par la douceur avec laquelle il s'attache à ses camarades les moins méchants. On entrevoit aussi ce que nous qualifierions de nos jours de harcèlement scolaire. A cet âge, on ne sait pas encore ce qu'est l'amour et on affectionne. Notre esprit n'est pas encore pollué par le désir. Ça ne nous tourmente pas. Il n'y a rien de bien ou de mal. Et c'est justement par cette naïveté que l'étau se refermera sur lui. Bien évidemment, et, même des années plus tard, il ne parviendra pas à dépasser sa frustration, sa douleur. le livre laisse à penser que le viol subit aura pour fonction d'orienter les préférences de Sébastien. Il sera incapable d'aimer une femme simplement car celles-ci ne l'attirent pas. Il subit aussi le syndrome de Stockholm et prendrait presque du plaisir aux souvenirs des attouchements du Père de Kern. Finalement, le seul moyen pour Sébastien de terminer sa vie de façon normale est encore de mourir à la guerre, en compagnie d'un de ses camarades.

Le sujet traité par ce roman n'a pas pris une ride. Au contraire, il résonne dans l'air du temps au milieu des scandales de l'Église catholique dont on parle enfin sans tabou. A lire absolument.
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