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Critique de PrinceEndymion


Nostalgique des valeurs du Japon impérial, Yukio Mishima s'indigne souvent dans ses oeuvres contre le modernisme et l'occidentalisation que connut son pays natal. En dépit de l'influence occidentale et du nouveau continent, le Japon demeure très attaché à ses valeurs conservatrices. Dans ce superbe ouvrage, nous faisons la connaissance de Taéko Asano, une jeune divorcée qui, à l'inverse de beaucoup de ses contemporaines, s'accommode très bien de sa situation, puisqu'elle est la gérante d'une boutique spécialisée dans la confection de vêtements de haute couture, et que son ex époux est "un parfait incapable, avec, de surcroît, des tendances anormales difficilement supportables". L'auteur nous avertit dès le début du roman que cette situation est exceptionnelle; au Japon, le divorce est perçu comme une tare sociale, surtout pour l'ex épouse qui est bien souvent contrainte de regagner le domicile de ses parents. L'école de la chair, c'est une sorte de manifeste qui prône un retour aux valeurs traditionnelles: la diégèse de l'oeuvre se situe dans les années 1960, une époque où le Japon subit de rapides transformations calquées sur les modèles occidentaux et américains. Taéko, qui a été élevée à l'occidentale, est tellement imprégnée de ce conditionnement que c'est à peine si elle se reconnaît lorsqu'elle est vêtue d'un kimono ou de vêtements traditionnels. La jeune femme est quelque peu lasse de son existence ponctuée de soupers mondains auprès d'étrangers qui ne lui inspirent que du mépris. Ce qu'elle veut, c'est casser les codes de cette société dans laquelle elle ne se retrouve pas.

C'est alors que surgit Senkitchi dans son existence. D'une beauté à couper le souffle, ce jeune homme qu'elle découvre dans un bar d'homosexuels d'Ikebukuro fascine la jeune femme qui devient très vite son amante. le personnage de Senkitchi cristallise en lui les thématiques qui ont toujours subjugué Mishima: il personnifie la virilité, la force, ainsi que l'érotisme (beaucoup de passages contemplatifs s'attachent à décrire l'allure de Senkitchi en mettant en lumière sa force et surtout, l'harmonie de son visage). Pour Taéko, cette liaison est un moyen de redécouvrir la chair. Cette rencontre va également l'amener à remettre en question le microcosme dans lequel elle vit, et les valeurs selon lesquelles elle a été éduquée. Rédigé dans une prose délicate, douce et sobre, ce roman est une étude moeurs approfondie et dense qui nous en apprend énormément sur le bouillonnement culturel qui agite le Japon des années 1960, alors que le pays s'apprête à faire table-rase de son passé.
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