La saga des émigrants, tome 5 : Au terme du voyage

C'étaient toujours les petits qui devaient aller se tuer les uns les autres quand les grands ne parvenaient pas à s'entendre.

Charles O. Nelson leva la tête de son oreiller et regarda à l'extérieur. Il entendait des rires et des cris en provenance du bâtiment qui se trouvait en face de lui. C'étaient ceux de l'enfance, c'étaient de petits êtres qui étaient la cause de ce tapage, dans le verger planté autour de la maison neuve.
C'étaient les petits enfants du vieux Nelson qui jouaient dans leur maison. Le journalier rentré chez lui une fois pour toutes, sa tâche accomplie, entendait les bruits d'une nouvelle génération qui avait commencé à grandir.

Bientôt, sa souche donnerait naissance à une troisième génération et le monde suivrait son cours sans la présence de l'ancêtre, le vieux Nelson. Sa disparition ne changerait rien. Chaque jour une foule de gens redevenaient poussière et, quand son tour serait venu, cela passerait aussi inaperçu que le reste.

Si Nils Fils-de-Jakob avait pu voir cette kyrielle d'arrière-petits-enfants, à Nelson Settlement, sans doute aurait-il pensé : tu n'as pas seulement emmené ma descendance hors du pays, Karl Osckar, tu lui as également fait perdre sa nature profonde, en mêlant son sang à celui d'autres peuples. Je ne reconnais pas ma propre lignée, dans ces petits qui grouillent autour de toi.
Seul le Siegneur savait ce qu'il adviendrait de ce petit méli-mélo de peuples venus d'horizons divers.

Nous ne pouvons nous maintenir en vie sans nourriture. Si nous n'avons pas à manger, nous sommes condamnés à périr. De même que les cerfs dans la forêt et les poissons dans les lacs, notre peuple disparaîtra, mais à jamais.
Nous vous avons cédé nos terrains de chasse et les tombes de nos ancêtres. Bientôt, nous n'aurons nulle part où enterrer nos morts, dans ce pays. Nous ne disposons plus de terre pour nos propres sépultures. Ton peuple nous l'a prise et ne veut même pas nous laisser d'endroit où déposer nos cadavres.

Elle avait foi en Dieu, mais Il l'a trompée. c'était une enfant candide qui s'était remise entre les mains du Père céleste. Mais ce Père l'a abandonnée. Il l'a laissée mourir sur son lit de douleur. Je sais donc, maintenant, ce qui arrive à ceux qui se fient en Dieu Tout-Puissant. Si elle ne l'avait pas fait, elle serait encore en vie. Elle nous a été enlevée, à moi et à nos enfants, parce qu'elle avait enlevée, à moi et à nos enfants, parce qu'elle avait confiance dans le Seigneur.
Je le sais maintenant : Dieu ne mérite pas la confiance des hommes.

Sur le pas de la porte, il se retourna pour ajouter que les Blancs avaient volé l'Amérique toute entière ; alors ils pouvaient toujours venir trouver les Indiens avec leur catéchisme et leur dire: Tu ne voleras pas!

Sur son lit, il était exclu de la vie se déroulant autour de lui et n'avait rien à attendre de celle qui l'attendait. Pour lui, seul existait désormais le passé. Le vieillard suivait à nouveau les sentiers de son enfance. Charles O. Nelson était vieux, voûté et boiteux et ne se déplaçait qu'avec peine sur le sol de sa nouvelle patrie. Mais c'était d'un pas léger qu'il foulait de nouveau, en esprit, les chemins du pays qui l'avait vu naître.

Or, pour bien se quereller, il faut au moins pouvoir comprendre les insultes de l'autre et lui répondre sur le même ton.

Je ne suis qu'une pauvre femme sans instruction mais je cherche Ta main pour me guider lorsque j'hésite sur la conduite à tenir.
Et je Te fais la même prière que chaque soir, mon Dieu : Ulrika et Frank sont encore si petits et si fragiles ! Ne prive pas les plus jeunes de mes enfants de leur mère avant qu'ils aient eu le temps de grandir un peu !
Veille sur tous ceux qui dorment dans leur lit, cette nuit, dans le vaste monde et protège-les !
Amen