Dernier tome de la saga. Ce roman est sans aucun doute le plus tragique de tous, le plus sombre mais le plus résilient aussi.
La grande Histoire se mêle à la petite, transformant la vie de nos pionniers à jamais. Les Etats-unis se retrouvent plongés dans une guerre qui oppose les Nordistes au Sudistes; le président Lincoln, aimé et respecté des pionniers car il est né lui-même dans une cabane en rondins, exhorte les hommes valides à faire la guerre à ses côtés. Karl-Oskar est prêt à s'engager pour sa nouvelle patrie, celle qui lui a permis de vivre et d'être libre, mais Kristina, au contraire, s'oppose à cette guerre qui oppose deux populations aux mêmes aspirations à la liberté, prêtes à commettre le grave péché de tuer. Kristina s'inquiète aussi de plus en plus pour sa santé, elle qui a le corps d'une vieille femme alors qu'elle est encore si jeune, ses problèmes venant de grossesses répétées. Epuisée, elle a peur que la prochaine n'atteigne à sa vie. Ce tome se concentre surtout sur cette femme qui n'a jamais cessé de s'interroger sur sa relation avec Dieu et son destin de femme de pionnier.
Autre épisode éminemment tragique: la guerre des Sioux, qui, après avoir été volés de leurs terres qui sont aussi leur terrain de chasse et de pêche, puis après avoir été affamés, le gouvernement se refusant à respecter l'accord signé stipulant que les peuples autochtones recevraient une indemnisation en dollars, le peuple Sioux, donc, par désespoir et colère, assassinent cruellement, par milliers, les pionniers installés sur leurs terres. Cet épisode tragique et peu glorieux de l'Histoire américaine est ici relaté avec une grande humanité de la part de l'auteur et nous permet de mieux comprendre les enjeux des deux partis, pionniers et Amérindiens.
La Saga des Emigrants se termine ainsi avec beaucoup d'émotions et je suis heureuse d'en avoir suivi les aventures. Je ne verrai plus jamais les Etats-Unis de la même manière, en particulier le Minnesota, tout comme je ne penserai plus que la Suède est depuis la nuit des temps un pays prospère et juste.
Voilà, une page se tourne, adieu mes émigrants.
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Ca fait maintenant 3 ans que le petit groupe des suédois est installé près de Ki-Chi-Saga. Mais les Nilsson (ici, Nelson) habitent toujours dans leur petit cabane. Ulrika maintenant mariée au pasteur baptiste.
Pas beaucoup de surprise dans ce tome mais c'est toujours plaisant de suivre ces émigrants. Tranche de vie des Nilsson en Amérique, maintenant pratiquement installés. Leurs pensées me surprennent parfois mais je me rappelle que c'était il y a près de 150 ans. On suit leur évolution, Kristina qui regrette toujours sa Suède natale, d'autres qui s'intègrent plus rapidement au pays, l'arrivée de nouveaux compatriotes…
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Charles O. Nelson leva la tête de son oreiller et regarda à l'extérieur. Il entendait des rires et des cris en provenance du bâtiment qui se trouvait en face de lui. C'étaient ceux de l'enfance, c'étaient de petits êtres qui étaient la cause de ce tapage, dans le verger planté autour de la maison neuve.
C'étaient les petits enfants du vieux Nelson qui jouaient dans leur maison. Le journalier rentré chez lui une fois pour toutes, sa tâche accomplie, entendait les bruits d'une nouvelle génération qui avait commencé à grandir.
Si Nils Fils-de-Jakob avait pu voir cette kyrielle d'arrière-petits-enfants, à Nelson Settlement, sans doute aurait-il pensé : tu n'as pas seulement emmené ma descendance hors du pays, Karl Osckar, tu lui as également fait perdre sa nature profonde, en mêlant son sang à celui d'autres peuples. Je ne reconnais pas ma propre lignée, dans ces petits qui grouillent autour de toi.
Seul le Siegneur savait ce qu'il adviendrait de ce petit méli-mélo de peuples venus d'horizons divers.
Elle avait foi en Dieu, mais Il l'a trompée. c'était une enfant candide qui s'était remise entre les mains du Père céleste. Mais ce Père l'a abandonnée. Il l'a laissée mourir sur son lit de douleur. Je sais donc, maintenant, ce qui arrive à ceux qui se fient en Dieu Tout-Puissant. Si elle ne l'avait pas fait, elle serait encore en vie. Elle nous a été enlevée, à moi et à nos enfants, parce qu'elle avait enlevée, à moi et à nos enfants, parce qu'elle avait confiance dans le Seigneur.
Je le sais maintenant : Dieu ne mérite pas la confiance des hommes.
Nous ne pouvons nous maintenir en vie sans nourriture. Si nous n'avons pas à manger, nous sommes condamnés à périr. De même que les cerfs dans la forêt et les poissons dans les lacs, notre peuple disparaîtra, mais à jamais.
Nous vous avons cédé nos terrains de chasse et les tombes de nos ancêtres. Bientôt, nous n'aurons nulle part où enterrer nos morts, dans ce pays. Nous ne disposons plus de terre pour nos propres sépultures. Ton peuple nous l'a prise et ne veut même pas nous laisser d'endroit où déposer nos cadavres.
Bientôt, sa souche donnerait naissance à une troisième génération et le monde suivrait son cours sans la présence de l'ancêtre, le vieux Nelson. Sa disparition ne changerait rien. Chaque jour une foule de gens redevenaient poussière et, quand son tour serait venu, cela passerait aussi inaperçu que le reste.
La saga des émigrants, Vilhelm Moberg
L'avis d'Armelle Bayon de la librairie Espace Culturel Leclerc (Conflans-Sainte-Honorine)