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Critique de Presence


Ce tome regroupe Red Rain, Bloodstorm et Crimson Mist. Ces histoires se déroulent en dehors de la continuité habituelle de Batman dans un monde imaginaire (enfin encore plus imaginaire que d'habitude, enfin je me comprends).

Red rain - Dans un Gotham réimaginé, Bruce Wayne est confronté à des vampires menés par Dracula en personne. Doug Moench profite de sa popularité de l'époque (ce tome date de 1991) pour s'offrir une variation très gothique sur Batman. Ne cherchez pas de révélations sur Dracula, il figure bien dans le titre, mais il occupe juste un rôle de chef de vampires sans aucune originalité.

Bloodstorm - La menace de Dracula est écartée, mais il reste encore des vampires dans Gotham. Il les traque la nuit pour leur enfoncer un pieu dans le caeur et les décapiter ensuite pour éviter qu'ils ne reviennent. Mais ces vampires changent petit à petit de mode opératoire, comme s'ils s'organisaient. Et Batman (devenu lui même vampire) a de plus en plus de mal à résister à la soif de sang. Selina Kyle a également été la victime d'un suceur de sang mais les conséquences ne sont pas celles attendues.

Ce tome est la suite logique du premier dans le sens où Batman s'éloigne de plus en plus de l'être humain qu'il fut pour devenir un vrai vampire. Doug Moench a l'intelligence de ne pas se contenter de refaire la même chose, mais de décrire les stades de la transformation psychologique qui emmène le héros vers une animalité dérangeante. Il laisse derrière lui Gordon et Alfred dans le monde des humains pour se retrouver plus seul que jamais dans le monde de la nuit.

Crimson mist - Batman est un vampire qui a goûté au sang. Alfred Pennyworth lui ont fiché un pieu dans le coeur et il repose, ni vivant, ni mort, dans une cave. Malheureusement les horreurs s'abattant sur Gotham n'ont pas pris fin avec le Joker. Depuis la retraite forcée de Batman, plusieurs monstres ont fait leur apparition : Killer Croc, Scarecrow, Riddler, Two-Face, Poison Ivy. Après bien des hésitations, Alfred finit par retirer le pieu qui maintenait Batman dans une vie sans mouvement. le vampire est lâché et les monstres n'ont qu'à bien se tenir. Ce plan s'avère tellement efficace qu'Alfred et Gordon doivent vite trouver un moyen d'arrêter Bruce Wayne.

Dans la première histoire, Kelley Jones mêle savamment les à-plats de noir denses avec une exagération des dessins qui tirent vers le cartoon de la vieille école de chez Warner. le résultat est irrésistible. Il fait bien sûr penser à cet autre maître qu'est Bernie Wrightson, l'un des 2 créateurs du Swamp Thing. Kelley Jones réussit à faire revenir à la mode la cagoule aux oreilles démesurément pointues qui avait été bannie après The Dark Knight Returns de Frank Miller. Les dessins sont outrageusement exagérés ce qui leur confère une dimension poétique inattendue.

Dans la deuxième, il a conservé la même esthétique héritée de Bernie Wrightson que dans le premier tome ; mais il maîtrise beaucoup mieux ses effets d'abstraction. Au fur et à mesure que Batman perd le contrôle de sa bestialité, Kelley Jones fait prendre à son visage des stigmates d'animaux. On peut ne pas apprécier les libertés qu'il prend avec une anatomie rigoureuse. Cependant sa technique est à rapprocher de celle d'un Mike Mignola sur Hellboy : ils s'autorisent l'un comme l'autre des formes incorrectes pour faire apparaître les sentiments et les forces qui habitent les personnages. Et là, Batman n'est jamais autant apparu comme une créature de la nuit, Catwoman devient mi-femme mi-bête, et l'exagération des postures et de ses formes lui confère une aura d'animalité réelle.

Dans la troisième histoire, il pousse jusqu'au bout la logique de cadavre vampirique. Il avait déjà utilisé cette approche sur 2 miniséries de Deadman (sur des scénarios de Mike Baron dans Deadman : Lost Souls). le principe est simple : Batman est un cadavre, dessinons son personnage comme s'il s'agissait vraiment d'un squelette sous le costume, avec ses plis qui suivent le contour des os. À l'unisson du scénario qui fait de Batman une créature surnaturelle n'appartenant plus au monde des humains, Kelley Jones fait de son corps un sac d'os qui n'a plus qu'un lointain rapport avec la morphologie humaine. Par exemple, les os de sa colonne vertébrale ressortent de 10 à 15 centimètres de manière protubérante dans son dos. Kelley Jones utilise les dessins comme des concepts et non plus comme des éléments figuratifs. Les effets de cape continuent d'utiliser des dizaines de mètres de tissu, sans aucun souci de réalisme. Cette exagération outrancière retranscrit parfaitement la bestialité de l'âme du personnage principal. Il ya très peu de rôles féminins : une infirmière et Pamela Isley. Ces 2 dames sont dotées d'une poitrine fort opulente qui ne défie pas les lois de la gravité. Cette représentation insiste sur l'inéluctabilité de la mort, du vieillissement de la chair. de la même manière, les exagérations physiques des musculatures (celle de Killer Croc en particulier) attirent l'attention du lecteur sur leur impossibilité, sur leur caractère de déformation physiologique, de perversion de l'ordre naturel du corps humain.

Ce voyage dans un Gotham gothique entraîne le lecteur dans une transformation bestiale et contre nature de Bruce Wayne. Cette dégénérescence s'appuie sur une écriture fleurie parfois un peu pesante et sur des dessins exagérés très dérangeants. "Red Rain" est un peu hésitant et lourdaud. "Bloodstorm" est parfait. "Crimson mist" est une conclusion satisfaisante qui aurait mérité un peu plus de soin et d'attention des 2 créateurs dans les finitions.
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