’en reviens donc à cette matinée où tout a changé. J’ai vu un type se jeter littéralement sur la chaussée quand les voitures ont démarré en trombe au passage du vert. Il en a réchappé. Parfois je me demande s’il n’aurait pas mieux fait d’y passer ce jour-là. Il a payé très cher sa seconde vie et la mienne.
Mais je ne vais pas vous parler de mort – même s’il faut en passer par là pour renaître. Ma seconde naissance, je la dois aussi à une femme. Mais avant d’accoucher de cette seconde vie, il y a eu la semence qui a permis l’ovulation.
Même s’ils prennent leur élan quand ils plongent dans le vide par un dernier réflexe d’orgueil, il ne reste d’eux qu’une fiente sur un pare-brise.
Les ambitieux sont toujours des urbains qui édifient leur vie comme un gratte-ciel. Quand leurs illusions se fracassent, c’est sur un bout de bitume ou un toit de bagnole.
L’amour est le talon d’Achille des ambitieux. Tout le monde a besoin d’amour. Et les connards ambitieux, plus que les autres. Personne ne se souvient de sa naissance, mais tout le monde se souvient de sa deuxième vie, renaissance, seconde chance, bifurcation… Qu’importe les termes. Si cela arrive, oui, on s’en souvient. En ce qui me concerne, ce fut un coup de billard à deux bandes, et pleine bille, dans l’univers grouillant new-yorkais, à l’heure où les gens se pressent pour rejoindre leur travail au cœur de Manhattan.