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Critique de domi_troizarsouilles


Ce livre était proposé en lecture commune sur un challenge auquel je participe avec plaisir ; je ne connaissais pas du tout l'autrice, mais les autres participantes à la LC la disaient super, et par ailleurs j'ai trouvé la couverture très belle : j'ai craqué ! Alors, je le dis d'emblée : oui j'ai bien aimé, oui la plume est très belle et l'histoire sympa… mais je ne donne pas une note dithyrambique !

Tout d'abord, il faut savoir et bien garder en tête que ce livre est du young adult, et je dirais même : très young adult ! Les personnages principaux ont 17 ans, et les sujets abordés sont sérieux, si bien qu'on peut se dire qu'il ne conviendrait pas à des ados plus jeunes… pourtant, je le proposerai sans hésitation à mon ado de presque-14-ans, il a indéniablement la maturité nécessaire pour l'aborder. Quant à moi… eh bien ça fait pas mal d'années que je ne suis plus young et que je ne joue plus sur le tableau de tenter de le paraître ; j'assume mon âge (bientôt un demi-siècle quand même !) et, sans être tout à fait « old » pour autant (quoique ?), je ne suis clairement pas bon public pour un tel livre… peut-être aussi parce que, non seulement je ne suis plus si jeune que ça, mais en plus je suis mère de jeunes ados qui construisent peu à peu leurs rêves, et qui pourraient être les héros d'un tel roman ?

Ainsi donc, on a Lara, jeune New-Yorkaise de 17 ans, brillante à l'école et passionnée de cirque, en particulier de cerceau aérien. Mais (parce que évidemment il y a un « mais ») Lara n'est pas comme les autres : elle assume ses rondeurs sans vrai complexe, même si certaines scènes laissent à penser qu'elle n'est pas aussi indifférente qu'elle le prétend – d'ailleurs, sans cela, elle n'aurait pas été crédible : quel que soit notre corps, qui est parfaitement à l'aise à 17 ans ?... Outre ce problème physique, Lara souffre d'anxiété, et même de tocs, qui lui pourrissent la vie au quotidien, d'autant plus qu'elle n'en parle à personne. Et surtout, elle veut faire de sa passion son métier, alors que ses parents, son père en particulier, la poussent depuis toujours dans la voie toute tracée qu'ils ont eux-mêmes connue : l'architecture de père en fils/fille. Comme on peut s'en douter, ils ne prennent pas une seule seconde au sérieux les souhaits profonds de leur fille, et restent imperturbablement exigeants envers elle sur le plan scolaire uniquement, jusqu'à la menacer de lui interdire la pratique du cerceau si ses notes chutent…

Commençons par le positif, car il y en a pas mal quand même : la plume de Morgane Moncomble est effectivement très belle, extrêmement fluide, ça se lit sans pouvoir s'arrêter, un véritable page-turner en son genre ! Dans ce livre-ci, qui est le seul que j'aie jamais lu d'elle, elle aborde des sujets qui peuvent toucher à n'importe quel âge, mais certainement à l'adolescence. On parle de grossophobie ou, même dans un sens positif, de cette maladresse qu'ont « les autres » dès qu'il s'agit de s'adresse à quelqu'un d'un peu trop enveloppé selon nos standards actuels – et plus encore si ce quelqu'un est jeune et jolie par ailleurs. Quant aux tocs, c'est un sujet qui, à ma connaissance, est peu exploité dans la littérature en général, et certainement encore moins dans la littérature jeunesse. Or, l'autrice aborde ces deux problématiques centrales avec une grande sensibilité, une vraie dignité et un certain bon sens. Pour le dire autrement : c'est présenté d'une façon très humaine, qui touche plus ou moins profondément selon que le degré où l'on se sent concerné. C'est même tellement vrai que cet aspect seul peut expliquer le succès que semble avoir ce livre !

Cela dit, pour moi ce n'est pas suffisant. Mon regret principal est que la parole soit donnée exclusivement aux jeunes (alternativement à Lara, et à son petit ami Casey qui va jouer un rôle secondaire important dans toute l'histoire), ce qui est sans doute normal pour un roman ya, mais c'est alors toujours de façon très « orientée ». En effet, ici les parents sont d'emblée présentés comme « les méchants » qui n'ont rien compris aux rêves de leur fille, qui ne pensent qu'à eux « pour le bien de leur fille » - pensée ô combien courante, certes, mais tellement caricaturale aussi ! Mais l'autrice insiste tellement, par ailleurs, sur le fait que Lara cache sa maladie (on parle de ses tocs), qu'elle n'en parle absolument à personne, ni à sa soeur jumelle qui tient un rôle si important dans sa vie, ni à son petit ami en qui elle fait de plus en plus confiance… Elle est complètement dans le déni, mais ses parents devraient avoir tout deviné, tout accepté, tout pardonné d'avance ? c'est comme ça que je l'ai ressenti à plus d'un passage, et ça me semble quand même très malvenu ! Pourtant, les parents, même les mères (comme la mère que je suis) n'ont pas des antennes qui leur permettraient de tout deviner ! (ciel que ce serait pratique : donnez-les moi !).
Oui il y a un « instinct maternel » qui peut sauver ben des situations, mais ça ne marche pas en mode robot automatique, et seulement au prix de plein de ratés. C'est ainsi dès la petite enfance : combien de fois les parents se désolent-ils face à un bébé qui pleure, alors que toute la « check-list » a été vérifiée et que tout est théoriquement en ordre ? (et que la maman ne comprend plus mais ressent juste une extrême fatigue). Il y a ensuite un âge béni (pas avec tous les enfants cela dit) où l'enfant a découvert la parole et papa-maman deviennent ses héros : les confidences sont faciles et nombreuses, souvent déformées ou « codées », mais au moins il y a une entente presque parfaite. Mais cette dernière disparaît brutalement dès que la puberté s'en mêle ! et tout est à réinventer au jour le jour, et ce n'est jamais gagné d'avance… Or, c'est dans cette période ingrate (eh oui !) que l'autrice place son livre.

Et donc, oui : c'est à travers ma lorgnette de parent que j'ai lu et ressenti ce livre, et dès lors ce n'est pas à son avantage…
Je ne sais pas si je suis un « bon parent » ou pas – j'imagine sans mal que, selon les jours, mes enfants doivent me trouver très nulle, et m'adorer le lendemain. Concrètement, quand mon fils de presque 14 ans hésite sur les options à choisir à l'école, et se retrouve avec un horaire qui dépasse le seuil autorisé et qu'il faut demander une dérogation pour qu'il puisse faire tout ce dont il a envie (parce qu'il en a les capacités intellectuelles), oui j'ai écrit cette demande de dérogation avec plaisir, oui je suis fière qu'il l'ait obtenue, et oui je vais le pousser dans cette voie.
Quand ma fille de 12 ans me dit qu'elle veut devenir danseuse étoile et qu'elle mettra tout en oeuvre pour y arriver, évidemment je l'encourage ! Oui on lui paie ses (nombreux) cours de danse, oui on veille à ce qu'elle ait une alimentation correcte (car, contrairement à Lara, ma Lulu est de format squelettique, hérité de son père, les veinards !). Mais aussi : je lui rappelle que ses résultats scolaires doivent suivre quand même et qu'elle ne peut pas se contenter de « rase-mottes », car danseuse professionnelle c'est génial, mais il y a beaucoup d'appelées pour peu d'élues, et dans tous les cas une telle carrière s'arrête dès la quarantaine atteinte… Mais jamais au grand jamais je ne lui interdirai de continuer ses cours de danse, bien au contraire ! l'orienter en concertation avec ses profs de danse, ça oui, au quotidien même s'il faut, mais pas la priver, ce serait tellement absurde !
(Et dois-je vous parler de p'ti dernier qui, du haut de ses 8 ans, actuellement en 3e primaire / CE2, m'a déclaré très sérieusement qu'il ne fera pas d'études car il sera youtuber ?... ;) )

Cela étant posé : si l'un ou l'autre décide tout à coup à 17 ans de tout laisser tomber – que mon grand décide de ne plus rien foutre à l'école, ou que ma fille entre dans une spirale qui mette sa santé en danger « pour la danse », c'est évident que je ne vais pas bondir de joie !
Mais comment réagirai-je alors ? Nul ne peut le dire… mais je regrette de Morgane Moncomble ait « enfermé » les parents de Lara dans une attitude de refus systématique. Ça existe très certainement, hélas, mais c'est assez regrettable de tant insister sur les failles de ces parents… sans offrir avant longtemps une quelconque ébauche de solution. Pourtant il n'y en a qu'une, qui n'est pas forcément facile, et qui aurait pu/dû arriver beaucoup plus tôt dans le livre : le dialogue (en famille) ! Je trouve que l'autrice n'a laissé aucune chance à ces parents, jusqu'à une réconciliation finale un peu trop téléphonée, du coup ce n'est pas (du tout) convaincant !

Et en parlant des tocs : la gentille psy que Lara accepte finalement de rencontrer évoque une origine généralement multiple, souvent liée à l'un ou l'autre traumatisme datant de l'enfance, et l'autrice en évoque plusieurs… dont l'un au moins tombe tout à coup comme un cheveu dans la soupe tant il est alambiqué, venu de nulle part et dès lors peu crédible ! C'est d'autant plus étonnant qu'elle avait une autre cause probable offerte sur un plateau, mais qui n'a jamais été exploitée : le divorce des parents de Lara ! Je ne connais pas un seul « enfant de divorcés » (quelle hideuse expression), même parmi ceux de ma génération, devenus adultes aujourd'hui, ou parmi les copains-copines de mes enfants, qui n'aient pas été touchés profondément et durablement par le divorce de leurs parents – même si ça ne s'exprime pas forcément de manière pathologique, et heureusement. Or, ici, c'est à peine effleuré, on ne sait pas pourquoi ils se sont séparés, on ne sait pas quand, on ne sait pas comment ça s'est passé pour eux et pour les filles. En outre, ça ne semble affecter en rien les jumelles, et même pire : les parents, tout séparés qu'ils soient, semblent s'entendre comme larrons en foire dès lors qu'il s'agit de boucher l'avenir de Lara ! Certes, exploiter ce divorce comme une cause de l'affection de Lara aurait été très caricatural aussi… mais tellement plus crédible et touchant !

Bref, pour moi c'était vraiment une belle lecture, je le pense vraiment… mais qui manque de discernement sur certains points, et la mère en moi le regrette amèrement.
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