AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ingannmic


Voilà un récit comme je les aime, inventif, original, qui surprend et distrait à la fois, dont chaque partie constitue une remise en question de ce qui la précède.

Qui est donc Francis Rissin ? C'est la question autour de laquelle tourne ce texte protéiforme, à laquelle il n'apportera jamais de réponse, à moins que vous ne décidiez qu'au contraire, il en apporte une multitude… Est-il un ou plusieurs ? Est-il un homme ou un concept ? Un escroc ou un héros ? Est-il l'ombre du dictateur dont nous menace notre futur proche ? A moins que Francis Rissin ne soit… le messie ?

Pour tenter de cerner cet insaisissable personnage, onze chapitres, successions de contradictions ou de variations, apportent leur pierre à l'édifice à la fois multiforme et impalpable que construit patiemment Martin Mongin.

Le premier, transcription d'un cours de littérature à la Sorbonne, peut rebuter par ses allures de conférence réservée aux initiés, mais il a le mérite d'instaurer d'emblée le coeur du sujet : l'énigme parfois empreinte d'une dimension vaguement angoissante que constitue Francis Rissin. Il est ici le personnage central d'un mystérieux livre dont l'existence du non moins mystérieux auteur est sujette à caution, et en quête duquel s'est lancée Catherine Joule, autrice du cours. Une entame intrigante aussi, car jalonnée d'incohérences qui viennent perturber la crédibilité du mode narratif, par des détails triviaux, inutiles et personnels, dont la narratrice truffe son exposé, en contradiction avec le sérieux des références et la spécialisation de son discours. On retrouvera dans d'autres parties du récit ces intrusions d'éléments décalés, avec un rapport de l'IGPN émaillé de supputations poétiques, des témoignages dont les auteurs se font les porte-parole des pensées d'autrui…

Jouant ainsi sur les genres -récit d'anticipation, thriller, polar, surnaturel- avec un humour subtil, Martin Mongin passe d'une enquête sur de mystérieuses affiches bleues portant le nom de Francis Rissin qui fleurissent subitement dans les communes de la région lyonnaise aux extraits d'un roman interdit mettant en scène un homme poursuivant à travers la France un orateur du même nom mobilisant les foules, d'une révolte dans la prison haute sécurité d'un état dictatorial à la préparation d'une exposition au centre Georges Pompidou, des extraits du journal de Francis Rissin -du moins d'une ses versions- à la transcription d'un épisode de son enfance… Il manie tantôt l'humour et la truculence, tantôt l'angoisse, passant de l'anecdote au drame, de l'absurde au prosaïsme. A travers les textes, des échos ou des constantes se répondent, comme des réminiscences, créant des sensations de déjà-vu, le sentiment d'avoir presque à portée de conscience la résolution d'une partie de l'énigme, qui pourtant nous échappe interminablement, anachronismes et invraisemblances empêchant par ailleurs d'installer une véritable cohérence entre les textes.

C'est souvent l'occasion d'une incursion dans la France rurale, et aussi celle des périphéries délaissées que la fin de l'âge d'or de l'industrie a paupérisées. Une France inquiète et en colère face à son déclin, en quête d'un éclaireur, dont le roman prend le pouls. Francis Rissin n'est peut-être que le visage de cet éclaireur, se métamorphosant, s'adaptant en fonction de qui l'attend… Car s'il y a une thématique qui traverse avec évidence cet ouvrage atypique, c'est celle de la manière dont la propagande et la manipulation répondent au besoin des foules de se raccrocher à une figure, à un guide, pour construire un projet collectif.

Un roman parfaitement équilibré, à la fois ludique et intelligent, Martin Mongin mêlant avec une grande maîtrise exercice de style et richesse du contenu.


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}