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Critique de patatarte2001


« Les gens dans l'enveloppe » est un ouvrage que je ne peux m'empêcher de mettre en parallèle avec le roman de José Saramago « Tous les noms ». Dans ce dernier, le personnage principal, M. José, la cinquantaine, célibataire, fonctionnaire au Conservatoire général de l'État Civil, dont le rôle est de répertorier les vivants et les morts, se met en tête de retrouver une parfaite inconnue dont il a, par le plus grand des hasards, la fiche sous les yeux, en l'occurrence une femme de trente-six ans, divorcée, professeur de mathématiques. Cette décision de M.José apparaît d'autant plus surprenante qu'il s'adonne à la collection d' articles de presse sur les cent personnalités les plus importantes du pays. Alors pourquoi est-il subjugué, envoûté par cette inconnue ? Précisément pour cette raison parce qu'elle est inconnue dira M.José. Des inconnus il en est également question dans le roman d'Isabelle Monnin « Les gens dans l'enveloppe ». Ceux-ci figurent sur toutes ces photos de famille qu'Isabelle Monnin achète sur Internet. Ils sont à l'origine de la rédaction de son roman/enquête peut être parce qu'ils ont cette « banalité familière bouleversante ». Pour elle écrire ce livre est une évidence, retrouver ces gens est une évidence un peu comme M.José pour qui retrouver la femme inconnue est aussi une évidence qu'il ne s'explique guère.
Et puis il y a cette photo que l'on retrouve dans les deux romans. Dans celui d'Isabelle Monnin, la photo la plus importante est celle de Laurence âgée de 7 ans. Sur cette photo Laurence ne sourit pas , « elle a la beauté des enfants graves ». Dans celui de Saramago, la photo arrive un peu plus tard mais elle est bien présente. M.José arrivera à se la procurer auprès de la dame du rez de chaussé de l'immeuble dans lequel est née la femme qu'il recherche. La photo en noir et blanc est celle « d'une fillette de huit ou neuf ans, un petit visage qui devait être pâle, des yeux graves sous une frange qui effleurait les sourcils, une bouche qui avait voulu sourire sans y parvenir et qui avait été capté ainsi. »Ce qui est troublant c'est que la description que fait Saramago de cette jeune fille sur la photo correspond parfaitement à celle de Laurence. C'est un peu comme si ces deux livres se confondaient mais ils se complètent aussi.
C'est comme si « Les gens dans l'enveloppe » apportait une fin heureuse à « Tous les noms ».
C'est comme si M.José arrivait finalement à ses fins, arrivait à retrouver son inconnue sous les traits de Laurence. Oui parce qu'il faut bien le reconnaître, dans « Tous les noms » M.José tombe sur un os c'est le cas de le dire puisqu'il ne retrouve la femme inconnue que lorsqu'elle est morte et enterrée. Dans les gens dans l'enveloppeIsabelle Monnin retrouve une Laurence bien vivante, fonctionnaire un peu désabusée qui a réussi professionnellement mais qui ne fait pas ce qu'elle aime. Cette dernière aurait très bien pu incarner la femme inconnue que recherchait M.José.
Résumons les similitudes qui foisonnent entre ces deux ouvrages : une inconnue, des photos (elles sont en noir et blanc dans le roman de Saramago), une enquête, des secrets de famille dévoilés ...tout cela est largement suffisant pour que je crée la liste suivante qui s'intitulera « Enquête d'identité » ou alors « En quête d'identité ». Je vais opter pour « En quête d'identité » . Car au delà des enquêtes que mènent M.José et Isabelle Monnin sur ces identités quelconques c'est en fait leur propre identité qu'ils recherchent. C'est ainsi que dans son roman/enquête Isabelle Monnin fait cette confidence à Laurence : « chercher ta famille c'est comme trouver la mienne. » Dans « Tous les noms » M.José est quant à lui « stupéfait en s'apercevant dans la glace, il n'aurait jamais imaginé que son visage était dans un état pareil, crasseux, sillonné de ruisselets de sueur, On ne dirait pas que c'est moi, pensa-t-il, or sans doute n'avait-il jamais été autant lui-même ».
Enfin permettez moi d'apporter la preuve ultime qui atteste que ces deux ouvrages se confondent. Cette preuve est en fait l'épigraphe des gens dans l'enveloppe issue de l'essai d'Hervé Guibert L'imâge fantôme  : « Alors les photos de famille restent là, dans leurs petits cercueils de carton, et on peut les oublier, elles sont comme des croix plantées, elles appellent le plaisir mélancolique. Quand on ouvre le carton, aussitôt c'est la mort qui saute aux yeux, et c'est la vie, toutes les deux nouées et enlacées, elles se recouvrent et elles se masquent. » Nous avons dans celle-ci la définition parfaite de ce qu'est le Conservatoire général de l'État Civil dans « Tous les noms », un endroit où là aussi c'est la mort qui saute aux yeux, et c'est la vie, toutes les deux nouées et enlacées, elles se recouvrent et elles se masquent.
Lire ces deux livres c'est finalement trouver le bon équilibre entre la vie et la mort....






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