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Critique de RuhaudEtienne


Un livre évaltonné : ainsi pourrions-nous qualifier ce nouveau petit volume, publié par le Réalgar, éditeur stéphanois. S'interrogeant sur l'origine même du qualificatif, le latiniste Denis Montebello consacre plusieurs pages à l'étymologie, de même façon que dans ses précédents livres (dont certains furent chroniqués dans « Diérèse »). Se définissant lui-même comme un « évaltonné », soit, pour résumer, comme une âme errante, flottante, quelque peu lyrique, l'auteur assume pleinement la digression en tant qu'art littéraire. « Beaudésir » se compose ainsi d'une série de textes, comme autant de billets du blog Cotojest, autant de poèmes en prose alternant portraits, paysages, refrains, souvenirs familiaux ou réminiscences livresques. La guinguette disparue qui donne son (magnifique) titre à l'opuscule appartient ainsi à cette mythologie personnelle : « de l'accordéon musette. Les mêmes airs qu'on passait au Stade Saint-Michel, à la mi-temps, qu'on servait avec les marrons, le vin chaud » (p. 12). Composite, de prime abord, « Beaudésir » forme évoque en réalité une autobiographie par fragments, par touches, par tableaux successifs. Résolu à suivre « le cadastre qui est la mémoire » (p. 52), D. Montebello s'égare volontiers dans les méandres d'un bois « où cueillir divers gros pieds, tontons ou polonais » (p. 37), ou encore « brimbelles « (idem), soit des myrtilles, en patois lorrain. Car la clairière, le lieu central, demeure vosgien. Né à Épinal, Denis Montebello évoque avec passion une « Lorraine largement italienne, une sorte de Texas français » (p. 53). Divers décors se succèdent, du lac d'Orta figurant en couverture à « la cité des images » (p. 46). S'y croisent plusieurs figures tutélaires, de Giulo, grand-père piémontais amateur de champignons, aux savants oubliés, aux écrivains locaux tel Jacques Grévin (1538-1570), au présentateur luxembourgeois Helmut (p. 51), ou encore à Nietzsche, amoureux transi, souffrant, de Lou-Andréas Salomé. Utilisée par l'auteur même, l'allégorie du Lego (créé en 1958), évoque assez cette « prose qui baguenaude, cet assemblage » (p. 51) en apparence hétéroclite, mais qui prend sens sous la plume élégante, stylée, de l'écrivain. Comme chez François Bon, une grande attention est également portée aux objets, « autant de traces demeurées vivaces dans la grande forêt des contes » (p. 11). Derrière l'apparente légèreté, la fantaisie, sourd une certaine mélancolie, une certaine nostalgie. Restent, pour se consoler, le goût de l'érudition et le beau désir d'exhumer puis de magnifier les remembrances, d'actualiser la page.

ETIENNE RUHAUD
Lien : https://pagepaysage.wordpres..
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