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Critique de Kirzy


Kirzy
16 novembre 2022
Un corps de jeune femme est retrouvé sous une ancienne voie ferrée. Sans doute une overdose. Michaela Fitzpatrick, du département de police de Philadelphie, se rend sur les lieux. Situation banale dans le quartier de Kensington ravagé par la crise des opioïdes, la misère et la prostitution. Sauf que Michaela est loin de partager l'indifférence méprisante de la plupart de ses collègues. Elle, à chaque patrouille, elle est terrifiée à l'idée de retrouver sa soeur cadette Kacey, héroïnomane et prostituée, qui a disparu depuis un mois. le cadavre n'est pas celui de Kacey mais ce n'est pas une overdose, c'est un étranglement qui a causé la mort.

Tueur en série ciblant des travailleuses du sexe, quartier interlope, flic en conflit avec sa hiérarchie corrompue, prêt à défier l'ordre au nom de la justice ... Liz Moore s'empare des tropes familiers du polar pour mieux les transcender. Avec son rythme lent mais captivant, le coeur de l'intrigue repose sur la double enquête, de Michaela pour retrouver sa soeur et traquer le tueur en série, mais le récit se déploie très vite dans d'autres directions.

Dans La Rivière des disparues, l'ancrage géographique est extrêmement fort. Aux côtés de Michaela, c'est tout le quartier déshérité de Kensington que l'on arpente au point que c'en est quasiment un des personnages du roman. Ancien quartier ouvrier chef de fil national de l'industrie textile, il connait depuis la restructuration industrielle des années 1970 un déclin économique marqué par un chômage élevé et une déprise démographique. Les maisons à l'abandon sont squattées par des junkies, les usines désaffectées sont devenues des points de deal. L'oeil aiguisé de Liz Moore est attentif aux moindres détails qui colorent son récit d'une ambiance très authentique ( qui peut faire penser à celle de la série The Wire, tournée à Baltimore, à 140 km de Philadelphie ).

Au-delà du décor sinistre du quartier de Kensington, l'autrice porte un regard empathique sur les personnages qui le peuple, portant aussi une attention fine sur les personnages les plus secondaires comme les principaux. C'est tout le petit peuple de Kensington que l'on découvre, dealers, sans-abris, prostituées mais toujours décrits avec une dignité humanisante. Liz Moore a accompagné le photographe Jeffrey Stockbridge pour son reportage Kensington blues composé de portraits droits dans les yeux qui respirent le respect et le consentement. La force de ces portraits m'a accompagnée durant toute la lecture ( https://jeffreystockbridge.com ).

Enquête policière impeccablement déroulée, arrière-plan géographico-sociologique marquant mais aussi drame familial poignant. A coups de flash-back judicieusement placés, Liz Moore révèle très progressivement le passé de Michaela, personnage incroyablement attachant : trentenaire mère célibataire, elle a été élevée avec sa soeur Kacey par une grand-mère froide et amère qui n'est jamais parvenue à surmonter la mort de sa fille emportée par une overdose Recrue brillante de la police de Philadelphie, elle a toujours refusé de passer le concours d'officier de police judiciaire, préférant végéter à faire des patrouilles pour garder un oeil sur Kacey tombée dans la drogue au lycée. Elle lutte pour garder le contrôle de sa vie et offrir la meilleure vie possible à son fils.

A mesure que s'érode ses frontières entre l'intime et le public, c'est par ce personnage en quête de lumière mais entourée d'ombres que l'auteure déploie une réflexion juste, douloureuse aussi, sur la responsabilité morale, sur les liens du sang et la compassion. Je ne m'attendais pas à une lecture aussi intense.
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