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Critique de Presence


Ce tome est le deuxième dans les rééditions de cette série (après La créature du marais, bien sûr) et il contient les épisodes 28 à 34, ainsi que le numéro annuel 2. Il ya également une introduction de Neil Gaiman et une introduction de Jamie Delano. Panini a traduit l'intégralité des éléments compris dans la version américaine publiée par DC Comics.

Dans l'épisode 28, Swamp Thing doit faire son deuil d'Alec Holland. Les dessins sont de Shawn McManus. Les introductions permettent d'apprendre que Karen Berger (la responsable éditoriale de la série) s'était assurée qu'Alan Moore disposerait d'une grande liberté créatrice pour la série. Cette première histoire permet à Moore de mener à son terme logique la révélation relative à l'essence de la créature des marais. le lecteur assidu de ce scénariste constate l'amour obsessionnel de la logique d'Alan Moore qui développe ses récits avec une cohérence en béton. Shawn McManus n'a pas la personnalité de Bissette et Tottleben, ses dessins sont un peu plus ronds, un peu plus comics. Pour autant, ses illustrations ne déparent pas trop.

Dans les épisodes 29 et 30, Abigail Cable perd la raison et devient la victime d'un personnage qui avait péri dans un précédent épisode. Ces 2 épisodes sont dessinés par Stephen Bissette, le premier encré par John Tottleben, le second par Alfredo Alcala. Cette histoire s'inscrit dans le registre des récits d'horreur basé sur la peur des insectes, la violation des corps et la possession psychique. Il est assez amusant de voir passer une référence au méga crossover (Crisis on Infinite Earths) de l'époque qui souligne à quel point Swamp Thing s'est déjà irrémédiablement éloigné de l'univers DC classique. Pour cet épisode Alcala a pris son temps et il a essayé de s'aligner sur le style de Tottleben. le résultat est visuellement satisfaisant.

Dans l'épisode suivant, Swamp Thing se déchaine contre le méchant de l'histoire. Là aussi, le lecteur prend en pleine figure le fossé grandissant qui sépare cette série de celles où les héros portent leur slip par dessus leur pyjama. Swamp Thing va droit au but sans prendre de gant, il n'y a pas de joute verbal à base de quolibets ou de démonstration pyrotechnique de force ou de pouvoir. le combat se déroule en 2 pages. Les dessins sont de Rick Veitch, encrés par Tottleben. Cette combinaison permet de mieux apprécier ce qui fait la spécificité des dessins de Bissette.

Dans l'épisode annuel, Swamp Thing retrace le chemin de Dante pour retrouver l'âme d'Abigail. Il sera aidé par 4 guides successifs : Boston Brand (Deadman), Phantom Stranger, Jim Corrigan (Spectre) et Jason Blood (Demon). Alan Moore s'amuse avec les différentes approches de la religion en vigueur dans l'univers DC. Bissette et Tottleben sont en pleine forme, en particulier Tottleben qui commence déjà à expérimenter avec les collages (à l'ancienne avec des ciseaux) pour créer des fonds inédits, irréels et parfois abstraits.

L'épisode 32 est consacré à un hommage à un comic strip de Walt Kelly : Pogo. Une équipe d'extraterrestres arrive sur terre à la recherche d'un havre bucolique et Swamp Thing leur sert de guide. Alan Moore joue la carte de l'écologie, sans mièvrerie, mais avec un peu de simplisme. Il expérimente également avec le langage en dotant ces extraterrestres de mots inventés contractant 2 mots en 1 seul (assez savoureux une fois que mes neurones se sont habitués à la gymnastique). Cet épisode est à nouveau illustré par Shawn McManus dans un style qui évoque fortement Wally Wood. Ce style mêlant personnages cartoons avec des décors plus réalistes sert à la perfection le scénario.

L'épisode 33 permet aux dessinateurs habituels de se reposer car il comprend l'histoire originale du prototype de Swamp Thing par Len Wein et Bernie Wrightson enchâssée dans des pages de Moore dessinées par Ron Randall. C'est l'occasion pour Alan Moore de rendre un nouvel hommage aux histoires d'horreur publiées par DC Comics dans ses 2 anthologies : House of Secrets et House of Mystery . C'est le retour d'Abel et de Cain qui seront récupérés des années plus tard par Neil Gaiman dans la série Sandman (mais c'est une autre histoire). Ron Randall effectue des dessins soignées et détaillés qui ne déparent pas dans ce recueil.

Ce tome se termine par un épisode qui dépasse tous les autres : Swamp Thing et Abigail Cable se disent leur amour et s'unissent d'une manière très originale. Alan Moore écrit l'histoire d'une relation amoureuse naissante sous la forme d'un trip hallucinatoire, d'une ode à la nature et d'un poème écologique magnifique. Bissette et Tottleben ont soigné leurs illustrations comme jamais. Ceux qui ont déjà lu des scénarios d'Alan Moore savent qu'il inclut des myriades de détails et des descriptions minutieuses qui vont de la mise en page au contenu de chaque case. Pour autant, la créativité et l'originalité de ce tandem éclatent dans chaque page. Ils peuplent le marais d'une faune et d'une flore plus vraie que nature. Ils ont choisi un registre graphique qui n'appartient plus à celui des dessins pour enfants ou pour adolescents. de la même manière que Moore s'est libérée des obligations spécifiques aux superhéros (fini la scène de combat obligatoire, la tirade sur le bien et le mal, etc.), Bissette et Tottleben ont abandonné le style simpliste et naïf des comics traditionnels pour des illustrations moins rondes, parfois moins plaisantes à l'oeil, plus abstraites, une figuration du temps plus complexe, etc. Ce sont toutes ces raisons qui font de cette paire de créateurs (Bissette + Tottleben), les illustrateurs de référence de cette série.

Ce tome procure un plaisir de lecture sans égal, parfois un peu simple (plus en tout cas que les productions ultérieures de Moore), avec des histoires sans cesse plus inventives, plus créatives.
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