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Critique de Sachenka


« Pour ou contre la bombe atomique », étrangement, traite peu de la terrible arme moderne. Il s'agit d'un point de départ pour la dame de lettres italienne Elsa Morante pour faire passer son message. Quelques uns des essais de cet ouvrage avaient fait l'objet d'une conférence, le recueil a été assemblé après coup. Ça paraît un peu, du moins c'est mon avis, car si les premiers textes sont très forts, les derniers semblent manquer de liens avec l'ensemble, d'unité. Mais ce n'est pas si grave car certains sont si jolis.

D'abord, il y a cette fameuse bombe atomique qui hante les esprits modernes. « […] nous, habitants des nations civilisées du Vingtième Siècle, vivons à l'ère atomique. » (pp. 9-10) Plus, elle les caractérise. « Notre bombe est la fleur, autrement dit l'expression naturelle, de notre société contemporaine. » (p. 11)

La culture petite-bourgeoise bureaucratique infecte notre quotidien. Pas étonnant que notre société éprouve la tentation de se désintégrer. Il y a eu les Grandes Guerres et, maintenant, les fameuses bombes. Ce n'est pas tant un essai sur la bombe atomique que sur la désintégration de la société (dont elle est le symptôme, à défaut du remède) et seul l'art peut sauver le tout car « l'art est le contraire de la désintégration. » (p. 14) En ce sens, la bombe atomique peut être vue comme étant symbolique, le rejet des valeurs judéo-chrétiennes qui ont caractérisées le monde occidental de l'avant-guerrre et qui l'amenaient vers sa perte, vers sa désintégration. Il faut aller au-delà. Mais, au lieu de choisir la terrible arme moderne, pourquoi ne pas se tourner vers l'art ?

Le sujet du deuxième essai est l'érotisme en littérature. Avant le XXe siècle, l'érotisme était interdit. « le vice de certaines sociétés et de certaines religions c'est d'avoir coupé en deux la personne humaine, la déclarant à moitié noble et à moitié méprisable ; on adû attendre la veille de l'ère atomique pour que la science proclame cette réalité : que la frustration de l'érotisme, elle aussi, commele sommeil de la raison, engendre des monstres. » (p. 37) En ce sens, cet essai rejoint le premier, tout comme le suivant.

Effectivement, l'essai sur les romans suit la même tangente. « Tout le monde sait, en effet, que la raison et l'imagination, par nature, s'équilibre de différentes façons en chaque personne humaine ; mais que, dans leur harmonie différente, les deux fonctions sont l'une et l'autre nécessaire à la santé et à la survie de chaque culture. » (p. 48). Il n'y a donc pas de romans purement réalistes ni imaginaires. le risque, en situation de désiquilibre, est la désintégration de l'oeuvre et de la société. L'un s'alimente de l'autre. La richesse de la réalité, c'est qu'elle se renouvelle sans cesse.

Je me relis et j'ai l'impression de ne pas bien rendre justice à ces essais. Pourtant, tout était clair au moment de ma lecture. En effet, Elsa Morante ne se perd pas en litanies ni en fioritures, et encore moins en développement à n'en plus finir. Elle va droit à l'essentiel (ses essais comptent rarement plus d'une quinziane de pages) et utilise un vocabulaire accessible (du moins, c'est ce qui transparait de la traduction de Jean-Michel Schifano) et surtout des exemples clairs et précis pour appuyer ses propos.

Deux autres petits textes thèmes chers à l'auteure : la place Navone (que j'ai eu l'occasion de visiter à Rome il y a quelques années et qui est effectivement jolie) et le poète Umberto Saba. Toutefois, Elsa Morante m'a un peu perdu avec « le bienheureux propagandiste du paradis » puis avec « Rouge et blanc ». J'éprouvais de la difficulté à relier ces quatres essais avec les trois premiers.

Il est certain que les essais d'Elsa Morante ne traitent pas de sujets préoccupants pour la majorité silencieuse des lecteurs occidentaux du XXIe siècle. Toutefois, ils apportent un éclairage intéressant sur l'art et la pensée moderne à une époque tournante de la civilisation. En ce sens, ils sont encore relevant. On ne perd rien à se cultiver un peu…
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