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Critique de Cancie


Les roses noires de Gérard Mordillat est une dystopie, c'est-à-dire, selon la définition de wikipédia, « un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'il soit impossible de lui échapper et dont les dirigeants peuvent exercer une autorité totale et sans contraintes de séparation des pouvoirs, sur des citoyens qui ne peuvent plus exercer leur libre arbitre ».
Les roses noires est une fiction, certes, mais ce roman d'anticipation, situé dans un avenir proche, en 2028, nous réserve une vision cauchemardesque du monde, un monde alors gangrené par le néofascisme où la démocratie s'est effacée au profit d'un ordre nouveau qui gouverne le pays et qui nous laisse des sueurs froides tant les sujets abordés se rapprochent de l'actualité et d'un monde qui est presque déjà le nôtre. Mais l'insurrection guette…
Tout commence avec Orden, ce poète écrivain qui reçoit un appel de Fauch : Barre-toi ! Barre-toi ! Fous le camp… Orden écrase alors son portable, laisse derrière lui sa bibliothèque et près d'un millier de livres qu'il ne reverra sans doute jamais et s'empresse de fuir. Il court se réfugier chez Cybèle, son premier et grand amour qu'il n'a pas vu depuis plusieurs années. Mais les Souchiens, des français de souche qui ont fait de ce sobriquet un titre de gloire, une milice armée qui traque tous les opposants à l'ordre nouveau qui désormais, gouverne le pays, va rapidement être à leurs trousses et les obliger à passer dans la clandestinité. C'est la guerre. Les syndicats, les associations sont interdits, il n'y a plus de presse, sinon les communiqués officiels, etc. Trois autres jeunes femmes entreront bientôt en résistance avec eux, Nora, la collègue de travail de Cybèle, ainsi que Rome et Vivi, quatre femmes avec chacune sa propre histoire, quatre femmes à l'existence bouleversée, quatre roses noires, chacune représentant une forme de résistance, résistance à la guerre, au fascisme, à la mort, à l'oubli. Déterminées et armées de leur seul courage et de leur force d'aimer, elles seront les fers de lance d'un réseau de résistance et instigatrices d'une insurrection qui va peu à peu prendre de l'envergure, de véritables héroïnes.
La démocratie s'est en effet effacée au profit d'une oligarchie financière qui a réinventé un système de castes avec cinq degrés : les Puissants, les Possédants, les Dominants, les Sachants, les Servants. Ceux obtenant de mauvais résultats aux tests sont par ailleurs classés Inutiles. La littérature, le cinéma …en font les frais.
Une imagination débridée nous conduit dans ce monde du futur qui pourtant, ne semble pas si éloigné que cela du monde d'aujourd'hui et c'est bien ce qui fait la pertinence du bouquin. Gérard Mordillat, avec des dialogues très politiques montre comment, malgré le réchauffement climatique qui a engendré incendies, sécheresses, inondations, disparitions de multiples espèces animales, dans un monde où la précarité, la misère, les épidémies et la mort sont devenus l'ordinaire d'une majorité d'êtres humains, malgré les manifestations, les dirigeants et leurs porte-parole médiatiques n'ont eu que du mépris ou la répression policière comme réponse à leurs manifestations. Les tenants du pouvoir ont provoqué une guerre sans fin, préférant le chaos à la moindre remise en cause de leurs richesses et de leurs places, l'économie libérale s'accordant bien avec la dictature. « le pouvoir est devenu anonyme et cet anonymat est sa force ».
En nous immergeant dans ce monde en guerre, dans ce chaos absolument terrifiant, l'auteur lance un véritable cri d'alerte en nous décrivant ce monde apocalyptique qui pourrait devenir le nôtre si nous n'y prenons garde, celui de la confiscation des outils démocratiques, de la carte blanche laissée à la police, de la surveillance généralisée, de l'ambiance insurrectionnelle qui ne cesse de croître.
Les roses noires est un roman noir, un roman militant, un roman d'action, un roman angoissant mais ô combien puissant et passionnant dans lequel Gérard Mordillat interroge le présent à travers la fiction et dans lequel il réussit à nous entraîner et à nous faire participer.
C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai suivi le cheminement de tous les personnages, combattant, souffrant, mais espérant avec certains, notamment ces roses noires, les accompagnant tout au long de leurs luttes et en en haïssant d'autres, escomptant bien leur élimination.
Des chapitres courts, des personnages aux noms originaux et souvent pertinents participent au plaisir de la lecture.
Je salue la large place accordée à la poésie, Orden nous faisant l'honneur de nous offrir quelques-uns de ses poèmes. Son dazibao (poème rédigé par un simple citoyen traitant d'un sujet politique ou moral et affiché pour être lu par le public), qu'il avait écrit contre la soumission passive des élèves devant leurs enseignants et dont « il restait encore parfois des traces malgré les déchirures et tags », m'a particulièrement marquée.
Après m'avoir enchantée avec Les vivants et les morts, Xénia, La brigade du rire, Gérard Mordillat avec ce roman engagé, Les roses noires, a une nouvelle fois conquis mes suffrages. du vrai Mordillat comme j'aime !
J'espère une seule chose : que ce roman ne devienne jamais réalité !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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