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Critique de mimo26


Voitures volantes, guerres interstellaires, monde virtuel, esprit humain digitalisé, la science-fiction est décidément en vogue sur Netflix. La firme de Los Gatos vient de mettre en ligne les dix épisodes de la première saison d'Altered Carbon. Visuellement intéressante et dotée d'un très bon casting, la série a largement de quoi séduire le grand public. Mais elle pourrait décevoir les amateurs du roman dont elle est adaptée, Carbone modifié de Richard Morgan. À force de vouloir parler à tous, la showrunneuse Laeta Kalogridis a quelque peu gommé la subtilité et l'essence « hard boiled » du récit initial. C'est d'autant plus regrettable que ce lauréat du prix Philip K. Dick avait fait l'effet d'une bombe à sa sortie en 2002, en renouvelant le genre du cyberpunk à la sauce polar. Que vous soyez ou non amateur de la version Netflix, voici cinq bonnes raisons de lui préférer le livre.

Pas de temps mort

Les éditions Bragelonne viennent de rééditer le roman de Richard Morgan
© Bragelonne

Contrairement à la série, qui se perd parfois un peu dans des intrigues répétitives, le scénario de Richard Morgan est fluide, incisif et prenant tout du long. Pour rappel, Carbone modifié se situe dans un futur lointain où la conscience et l'esprit humain sont digitalisés et stockés dans des « piles » qui peuvent être insérées dans n'importe quel corps. L'ex-militaire renégat Takeshi Kovacs, récemment ressuscité, est engagé par un riche magnat pour résoudre sa mort mystérieuse. Divisé en cinq parties, le livre de 400 pages joue entre le polar noir, le techno-thriller et le cyberpunk. Si la série respecte plus ou moins fidèlement l'intrigue, elle s'englue dans de nombreux flash-back ou péripéties ralentissant considérablement l'enquête. La scénariste a également choisi de modifier le parcours des personnages – la famille Bancroft, Tanaka, Prescott, Vernon Elliott, Samir Abboud, Curtis ou encore Jimmy DeSoto sont très différents de l'oeuvre originale. Reste néanmoins une très bonne idée, l'intelligence artificielle Poe (en référence à l'écrivain) brillamment interprétée par Chris Conner.

Un héros à la personnalité plus complexe

La grande force de Carbone modifié et d'Altered Carbon, c'est le charismatique Takeshi Kovacs. Les acteurs Joel Kinnaman et Will Yun Lee sont très convaincants, mais le roman a un avantage indéniable : il nous plonge dans l'intériorité de l'enquêteur. Divers films policiers, tels Laura, Usual Suspect ou Les Ensorcelés, ont trouvé le moyen de reproduire ce mécanisme en utilisant notamment un système de voix off, mais la série de Netflix, elle, ne s'y essaie pas (la seule voix off qu'on entend au premier épisode n'appartient pas à Kovacs, mais à sa soeur, inventée pour l'occasion). Dès lors, le héros perd une partie de la personnalité qui fait son sel à l'écrit, en particulier son humour.

Des méchants plus convaincants

Chez Richard Morgan, les grands antagonistes sont beaucoup plus effrayants et subtils. Dimitri Kadmin est habilement construit comme le rival de Kovacs. Ce tueur aux enveloppes multiples « qui aurait fait un malheur dans les Corps diplomatiques » n'hésite pas à citer de la poésie à son ennemi pour lui signifier son respect. Il est d'ailleurs peu présent dans l'aventure, mais rôde comme une menace. Ce Caucasien raffiné a été remplacé par une brute violente sans profondeur et omniprésente. Même déception pour Reileen Kawahara, bien plus impitoyable que son double sériel. La bonne surprise de la série vient de Mister Leung. Cet assassin illuminé incarné par Trieu Tran pallie bien l'absence de la mercenaire Trepp, autre second rôle iconique de l'oeuvre. Alors que le petit écran met en avant des méchants aux sentiments exacerbés, le roman de Morgan imagine des êtres froids et doucereux.



Pas de géopolitique simpliste

Laeta Kalogridis a incorporé des éléments des autres livres de Richard Morgan pour ajouter des flash-back à Takeshi Kovacs. Sa jeunesse et son lien avec la révolutionnaire Quellcrist Falconer n'apparaissent que dans Furies déchaînées par exemple. Les Corps diplomatiques n'ont pas disparu et continuent à exercer dans la galaxie. La thématique des « Maths », ces hommes qui vivent des siècles en dominant la planète, prend plus d'importance, tout comme la religion. Ces choix narratifs qui font écho à l'actualité semblent souvent plaqués superficiellement sur l'enquête. le principal défaut de la série est son cahier des charges, trop évident. le lieutenant Ortega parle espagnol et représente le côté latino et catholique de la série. Son sergent musulman Samir Abboud se nomme en fait Rodrigo Bautista et vient du Portugal. Vernon Elliott retrouve sa femme piégée dans un corps d'homme, ce qui introduit une ambiguïté sexuelle inexistante dans le roman. Autant de problématiques qui pourraient être intéressantes si elles étaient approfondies (sauf que Morgan les a peu traitées et n'a donc pas grand-chose à offrir aux scénaristes en la matière) et ne semblaient pas si cliché. le livre, lui, se concentre sur son sujet et ne tente pas des analyses à deux sous.

Un manichéisme moins prononcé

Le monde de Carbone modifié est trouble, le bien et le mal ne sont pas aussi clairement définis que dans la série de Netflix qui multiplie les stéréotypes (Ortega et son sens de la justice, Vernon Elliott et sa soif de vengeance...). le dénouement du dernier épisode n'existe pas dans le livre et tous les coupables ne sont pas arrêtés par la police. Richard Morgan préfère laisser le lecteur à son propre jugement et ses personnages à leurs culpabilités, leurs doutes et leurs solitudes.
Lien : https://www.lepoint.fr/pop-c..
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