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Critique de domi_troizarsouilles


Bienvenue dans le monde (inclusif) des Bisounours !
J'avais choisi ce livre dans mon abonnement Kindle, à cause de son titre ! Eh oui : à l'époque, je participais assidument à plusieurs challenges sur les plateformes littéraires, or un tel titre était intéressant pour un certain « Scrabble » (sur Livraddict), mais très vite ce livre s'est perdu dans les tréfonds de ma PAL (élargie pour le coup aux livres en emprunt).
Et voilà : tout à coup je l'ai repris car j'avais envie quelque chose de pas trop long et de léger. Sur ce point, j'ai été servie…

Lysandre est quasi-aveugle de naissance, mais à 30 ans et avec l'aide (surprotectrice) de ses parents, de sa soeur aînée, et de deux amis d'enfance avec qui il travaille désormais, il a réussi à se créer une vie indépendante. Mais aussi très isolée : à l'exception des quelques personnes précitées, il ne fréquente personne, et ne se rend qu'avec une patience infinie mais sans y croire aux différentes activités « adaptées » que sa soeur ne cesse de lui proposer, sans jamais y trouver son bonheur. Jusqu'au jour où il pousse la porte de cet atelier d'art « différent » tenu par deux frères, où Lysandre va pouvoir laisser s'exprimer sa passion par la sculpture d'argile…

Bon, bon, bon…
Oui c'est léger, en lisant ce roman on a l'impression de laisser fondre lentement une sucette à un quelconque parfum hyper-sucré et un peu écoeurant à vrai dire. On ressent très, très fort le souci de l'autrice pour l'inclusion des personnes handicapées et/ou homosexuelles – avec une certaine, et apparemment inévitable surenchère, qui frise parfois l'amalgame. Hélas, à force d'en faire autant, elle finit par desservir son propos.

Comment dire ?
L'autrice insiste très fort sur l'inclusion, disais-je donc, sur le fait de traiter notre presque-aveugle comme une personne « normale », etc., etc., mais à force de répéter toutes les trois lignes qu'il est « différent », on finit par se dire qu'elle-même n'a pas bien compris qu'il faut le laisser vivre sa vie, à notre Lysandre ! Car oui, outre le fait qu'elle ne cesse de rappeler sa différence tout en insistant pour qu'on le considère comme un homme à part entière, elle est constamment dans une certaine surenchère. Par exemple, j'ai eu l'impression après quelques pages seulement que ce Lysandre, aussi sympathique qu'il soit, est tout le temps fatigué. Elle explique et réexplique qu'il a une vie indépendante, sans luxe mais il peut payer ses factures grâce à son mi-temps dans la boîte de ses deux amis d'enfance. Et puis paf : il fait tout à coup 10 heures de plus pour un projet particulier (ce qui, même dans une France aux 35 heures, ne fait pas encore un temps plein) et passe plein de temps à l'atelier de sculpture sur un autre projet qui lui tient à coeur… et tout cela l'épuise au point de devenir un « mort-vivant » (si, si, elle a osé l'écrire ainsi). Mais n'est-ce pas le lot de chacun dans ce monde de fous ?

Le problème c'est que, avec de tels propos, on ne comprend plus très bien si elle décrit les choses ainsi pour souligner une certaine « normalité » de Lysandre, ou si son héros est vraiment une petite nature si vite fatiguée par quelques heures de plus dans sa routine bousculée, ou si tout cela est lié à son handicap (même si je doute que la cécité ait un lien direct avec un risque de surmenage pour si peu…). Certes la comparaison est mauvaise, mais elle est spontanée : moi avec mon temps plein et mes activités (artistiques, tiens, tiens !) en plus du boulot, quand je rentre chez moi le soir, j'ai encore une famille à gérer, je suis régulièrement au bord de l'épuisement, pourtant aucun patron de ne m'a jamais forcée à prendre des vacances quand je suis un peu pâle – ou alors je serais tout le temps en congé, c'est un bon plan ça ! Mais bon, je ne suis pas aveugle, ni même malvoyante (je ne sais plus rien lire sans mes lunettes aux verres de plus en plus forts, mais ça, c'est aussi le lot de beaucoup), donc je suis « normale » et voilà, c'est « normal » si je suis parfois épuisée, personne ne va écrire un roman sur ma vie (et tant mieux !).

Au final, qui est Lysandre ? Un homme « normal » qui a juste un handicap visuel, ou une pauvre petite chose dont il faut toujours s'occuper et qui a besoin de beaucoup, beaucoup dormir parce que c'est un malheureux handicapé ? Après avoir refermé ce livre, je ne sais toujours pas très bien ce que l'autrice a voulu faire passer au sujet de son héros…
Pour le dire autrement, il y a un souci constant de surprotéger ce pauvre Lysandre tellement malheureux à cause de sa cécité et pourtant tellement « normal » malgré tout ; un souci de surprotection que l'on ressent chez ses parents, chez sa soeur, chez celui qui deviendra son amant et qui est d'un dévouement à tomber… et au final chez l'autrice elle-même, qui en rajoute des couches et des couches, au risque de donner la nausée au lecteur même le plus intéressé par un tel sujet à la base !

Ajoutons à ça que ce livre sent très, très fort la jeune autrice – et là je ne parle pas de son âge, mais de sa probable expérience d'écriture, au moment où ce livre a été publié (ça date quand même de quelques années). Elle aligne des phrases et des phrases qui disent les choses – Lysandre fait ceci, fait cela, on a la description complète de son brossage de dents après la douche etc. ! – mais ne montre jamais, ne saisit pas d'instantané où on serait vraiment plongé dans la vie (même quotidienne) de son héros d'une manière vraiment vivante, vraiment… visuelle ! Elle est quasi-constamment dans une description un peu scolaire du moindre mouvement de ses protagonistes, ce qui crée malgré tout une certaine distance, tandis qu'on ne « vit » pas les choses avec eux ! le summum est atteint, comme c'est souvent le cas de tels défauts, dans les dialogues : notre Lysandre se met à faire des discours façon tragédie grecque… mais ça ne marche pas une seule seconde ! car personne ne parlerait jamais ainsi, ni aussi longtemps sans s'interrompre (ou être interrompu) dans une relation normale, quelle qu'elle soit ! Et ainsi, le lecteur un peu averti n'y croit plus du tout…

Bref, oui, ce livre est sympathique et aborde un sujet de société potentiellement intéressant (et désormais très « à la mode »), mais si vous voulez une romance M/M qui aborde la cécité d'une façon réellement touchante et sans aucun cliché, alors foncez plutôt sur « L'horoscope amoureux, tome 1 : Leo loves Aries » d'Anyta Sunday. Ici, à force de vouloir en faire trop sur l'inclusion, en plus avec une surenchère (qui frise parfosi l'amalgame) entre handicap et homosexualité, l'autrice mise sur la carte Bisounours, avec un manque criant de réalisme qui finit par lasser, et même un peu écoeurer, ce qui était pourtant -j'imagine- l'exact effet inverse de ce qu'elle escomptait en écrivant un tel livre. Dommage.
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