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Critique de Satheynes


1854. Londres. Trois adultes et deux enfants sauvagement assassinés dans le logement où vivait ce petit monde, et au-dessous duquel se trouvait un commerce qui peinait à faire vivre cette petite tribu.
Pas de mobile apparent, rien qu'une fureur sauvage, aveuglée par une irrépressible ambition : celle d'égaler voire même de surpasser les meurtres de 1811 de Ratcliffe Highway. Ces meurtres sont historiquement véridiques, ils sont antérieurs à ceux de Jack l'éventreur de soixante-dix-sept ans, et ont terrorisé toute une nation, car ils étaient la preuve que tout un chacun, qu'il soit commerçant, tavernier ou même un tendre enfant,- pouvait être la cible d'un assassin ayant asservi son destin à une logique folle et sans pitié.
David MORREL restitue avec brio le Londres de l'époque victorienne, il convoque sur le devant de la scène un auteur majeur de cette époque, -Thomas DE QUINCEY- qui fit scandale notamment par ses « Confessions d'un mangeur d'opium anglais », où il confessait et décortiquait par le menu, son addiction à l'opium, en n'épargnant rien des origines de ladite addiction ni de ses conséquences.
Celui-ci a également publié trois essais au travers desquels il analyse de la façon la plus crue les meurtres de Ratcliffe Highway, et édité sous le titre de « de l'assassinat considéré comme un des beaux-arts », -et cet écrivain ayant inspiré, notamment, Wilkie COLLINS, Edgar Allan POE et Sir Arthur Conan DOYLE,- est la pierre angulaire de ce roman policier : l'auteur fait de Thomas DE QUINCEY le coeur de son intrigue, par sa présence, l'opium devient le noeud de cette intrique sanglante.
A travers une furie démoniaque qui pousse l'assassin et ses complices à perpétrer d'ignobles meurtres, c'est toute une critique de l'Angleterre de cette époque qui nous est offerte, et à travers ce pays ce sont tous les autres pays dominateurs qui passent sur le grill de l'Histoire. Car que penser de ces nations qui font mine de se scandaliser d'une dépendance à un poison – qu'il soit d'opium ou d'autre -, et qui pourtant bâtissent leur puissance sur le commerce dudit poison sans souci des ravages qu'elles occasionnent ? L'hypocrisie des dirigeants, la misère du peuple qui conduit à d'autres errements et aveuglements (quitte à s'en prendre à des innocents pour tenter de se venger des meurtres perpétrés dans leurs quartiers), les codes de la société qui imposent des normes draconiennes aux femmes sans égard de leur bien-être (à savoir, les femmes vêtues à la « mode de la crinoline » portaient pour dix-sept kilos de vêtements, cerceaux, corsets…), les concepts du subconscient, des souvenirs qui ne s'oublient pas et qui semblent parfois nous faire agir en dépit de nous-mêmes, comme autant de mises en avant faites par un Thomas DE QUINCEY, soixante-dix ans avant un FREUD,- peu soucieux de rendre justice à ses prédécesseurs-, tout cela restitue une époque troublante, dangereuse et de fait, fascinante.
L'enquête policière mènera sur les traces d'un homme qui a détruit ce qui aurait pû être sa portion de sens commun, afin d'appliquer une loi qu'il tire de son vécu, de son patrimoine. Il est d'une cruauté ignoble mais si sa folie l'a déstructuré, il n'en reste pas moins véridique, qu'à l'origine de sa vie, il fut aussi un être victime de l'indifférence d'un système qui ne visait qu'à sauvegarder les élites et la bienséance des apparences sociales et familiales qui étaient les leurs, sans se préoccuper des miséreux, des laisser-pour-comptes, des oubliés de l'existence, pour ne les réduire qu'à ce qu'ils n'étaient pas, à savoir des moins que riens. Que peut-on espère d'une société qui ne vise qu'à entretenir, voire amplifier les faiblesses et les détresses du plus grand nombre pour le « bien-être » du plus petit nombre ?
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