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Critique de LiliGalipette


« Cette maison est étrange. Ses ombres mentent. Dites, expliquez-moi pourquoi sa serrure correspond-elle à ma clé ? » (p. 9) Celui qui cherche à retrouver sa maison, son chez-lui, c'est Franck. Il s'est échappé d'un asile et il est prêt à tout pour revenir à Lotus, en Géorgie : prêt à traverser tous les pays, prêt à essuyer des humiliations, prêt à courir tous les dangers pour retrouver Cee, sa petite soeur qui a besoin de lui. Revenu de la guerre de Corée avec des souvenirs traumatisants qui confinent à la folie, Franck doit se réhabituer à la vie civile, laisser ses démons derrière lui et ne pas plonger dans le traître et éphémère réconfort d'une bouteille de whisky. « Voilà que revenait la rage incontrôlée, la haine de soi déguisée en faute de quelqu'un d'autre. » (p. 22)

En parallèle, on suit la vie de Cee depuis que Franck s'est enrôlé. La jeune fille qui ne pouvait compter que sur son frère est tombée d'illusions en déconvenues. Elle est en bien mauvaise posture quand Franck la retrouve, mais elle a appris à s'occuper d'elle. Si son frère lui sauve la vie, elle n'a désormais plus besoin de l'intense et constante protection dont il l'entourait. Cabossés par l'existence, le frère et la soeur s'aiment toujours autant, mais leurs peines respectives les ont fait grandir et s'ouvrir au monde. Pour Franck et pour Cee, il est désormais temps de trouver leur foyer et d'apaiser leurs peurs et leurs douleurs. Une vie de souffrance leur a appris à être libres et à vivre pour et par eux-mêmes et leur a permis de comprendre que chacun est sa propre maison, que chaque coeur libre est une demeure solide.

Toni Morrison s'attaque à un autre pan de l'histoire des Noirs américains. Après l'esclavage, elle aborde la ségrégation et pointe les cruelles injustices de ce peuple déraciné, sans cesse empêché de s'intégrer. « Une armée où les noirs ont été intégrés, c'est le malheur intégré. Vous allez tous au combat, vous rentrez, on vous traite comme des chiens. Enfin, presque. Les chiens, on les traite mieux. » (p. 25) Home est plus court que Beloved ou Love, il est aussi moins dense et plus digeste. Entre la narration au style indirect et les chapitres en italique où Franck se livre, voire se confesse, le lecteur découvre toute l'horreur d'une enfance mal aimée et le drame d'une Amérique qui ne reconnaît pas ses héros et qui tremble devant une menace rouge fantasmée.

J'ai été bouleversée par les passages où Franck parle des femmes, faisant d'elles des anges salvateurs même si elles ne sont que des cocottes ou des emmerdeuses. Pour cet homme meurtri qui flirte avec la folie, la douceur féminine est plus qu'un baume, elle est un chant d'espoir et la promesse d'un lendemain plus serein. « Elle avait quelque chose qui m'a stupéfait, qui m'a donné envie d'être assez bien pour elle » (p. 76) Et d'autres passages m'ont noué la gorge, quand Franck évoque l'enfant qu'il était et l'amour surprotecteur qu'il éprouvait pour sa soeur, les deux gamins ayant grandi en se soutenant l'un l'autre. « Sans mes deux amis, j'aurais étouffé vers l'âge de douze ans. C'étaient eux, en plus de ma petite-soeur, qui maintenaient à l'arrière-plan l'indifférence des parents et la haine des grands-parents. » (p. 89)

C'est un sans faute pour Home qui m'a émue au-delà des mots.
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