On restait enfermés à cinq ou six dans une petite cellule, sans doute les anciennes chambres des séminaristes, qui étaient d'ailleurs toujours présents, malgré les circonstances. De temps en temps on les voyait jouer au ballon. On les enviait. Ils ne faisaient jamais attention à nous. Ils riaient.
Il était désemparé, mais fut obligé d'obéir aux ordres que lâchement les gendarmes lui donnaient.
Ils passèrent devant les grands rosiers qui n'avaient plus de parfum pour personne.
"Cette maison d'accueil fut comme un bateau qui nous aurait recueillis en plein naufrage."
"Comment pouvais-je douter de son identité, alors que nous étions l'ombre l'un de l'autre."
"Sans doute y avait-il dans ce jeu une réminiscence des sorties définitives qui avaient lieu à Drancy, aussi sur des civières, et qui étaient celles des suicidés que l'on éloignait vite des regards de ceux qui agissaient à ces actes de désespérance."
Le 11 novembre 1942, les Allemands envahirent la zone Sud. La zone libre n’existait plus. Le climat devint plus tendu, les risques considérablement accrus.
Elle apprit incidemment qu’un bateau allait prochainement partir pour l’Amérique pour y emmener des enfants juifs, et les soustraire aux risques encore imprécis mais réels qui pesaient sur eux. Elle s’adressa à la Croix-Rouge pour demander que nous fassions partie de ce voyage.
Mes grands-parents, dont les demandes de naturalisation avaient aussi été rejetées à trois reprises, et mon oncle maternel, malade, essayaient comme ils le pouvaient de combler ce vide que je ressentais. Quelques mois plus tard, ce fut la débâcle de l’armée française devant l’offensive allemande et l’exode des populations civiles. Huit millions de personnes partirent sur les routes, dans la crainte des bombardements et des mitraillages aériens.
Ils avaient tous, cousue sur leurs vêtements, sur le côté gauche de la poitrine, une étoile à six pointes en tissu jaune, grande comme la paume d'une main, et portant en caractères noirs l'inscription JUIF. Ainsi stigmatisés, ils pouvaient être montrés du doigt ou évités. (p.23)
Par la suite, plus jamais aucune nouvelle ne nous fut transmise, et la lueur progressivement s'éteignit comme une lointaine étoile qui meurt.
Pour nous préparer à nos nouveaux rôles, on nous apprit des prières. Je récitais: "Je vous salue Marie pleine de grâce..." mais je trouvais beaucoup plus drôle de dire: "Je vous salue Marie pleine de graisse... et de beurre..."