Rêve de vol
Un balai enfourché, le nez long et cabossé
Une sorcière au sabbat s'en va.
Pour voler bien haut au-dessus des nuées,
Une pincée de belladone, une de datura lui faudra,
Ajoutées d'un soupçon d'aconit, d'une larme de jusquiame.
Avec une baie de morelle, un brin de digitale joints pour le supplément d'âme.
Pour mélanger le tout, un peu de graisse de sanglier
Et un beau pilon en cœur de bois de châtaignier.
Lors des fraiches nuits de printemps,
la coquine, à dos de pinson s'en ira,
Le vol n'en sera que plus délicat !
La bosse alerte, le chapeau bien accroché, elle décolle sans frémir
Et hop, la voilà partie vers le firmament,
Riant de sa magie, de sa folie et des rêves à accomplir.
Ch.7 Les jardins ensauvagés, ultime frontière
Voyageurs
Fins et graves nomades aux folles ardeurs,
Ils s'égaient, se noient puis jaillissent vifs comme l'éclair,
Flèches traversantes des cieux frondeurs.
Ils font fi des tourbillons pervers, des funestes écumes des mers.
Plumes et cris en cascadantes glissades,
Ils traversent en de plongeantes balades
Les nues extrêmes, les embruns amers, les ondes perfides.
ils sont voyageurs de nuages, de brumes alcalines, de vents humides.
Ch.5 — Sentes de sel et d'eau
"Mille fleurs disent mille contes,
À mille amoureuses, tout bas,
tandis que la source raconte
Ce que le rossignol ne dit pas."
Frederico Garcia Lorca,
Mademoiselle Rose, 1935
Norrois: Relatif à la Scandinavie médiévale, langue et écriture.
Le coquelicot
ou chaudière d'enfer
- papaver rhoeas -
Fam: Papavéracées
Il se dresse, fort et fragile à la fois, corolle de velours rouge sur une tige fine et poilue. On raconte que le diable, attiré par sa couleur d'enfer, imprima ses doigts crochus, ses ongles de terre et de sang séché au centre de la belle fleur carmin, laissant ainsi en son cœur sa trace noire, comme un parfum de fumée.
Le coquelicot est enfant d'oubli, narcotique, plante de rêves et de cauchemars.
Pétales de brume
Les brumes, insidieusement se faufilent,
dansent leurs rondes de voiles éphémères
au creux des pierres disjointes.
Les ronciers envahissent les mâchicoulis
de leurs mornes et pointus entrelacs.
Moisissures et champignonesques, égouttements
saumâtres de vers acides au dos des pavés luisants.
Il était un temps pourtant, un temps
d'avant, où les cours s'égayaient de folles
bannières, où les pigeonniers roucoulaient,
les âtres ronflaient au jour naissant.
Il était un temps, en ce château de brumes tenaces,
où les roses enivraient de leur suave haleine les
amours cachées au secret de ses tonnelles.
Ce temps n'est plus, la pierre se
languit, la fleur se meurt...
Ch.1 Le château, ses jardins clos, recherche de l'Éden perdu