Réalisé avec soin par une mère et sa fille,
Magali Mottet auteure, romancière-horticultrice et Sara Mottet illustratrice, archéologue historienne, ce «
Petit Traité des brumes et simples oubliés » est un délice littéraire, aux allures de grimoire qui effeuille les anecdotes, les histoires parfois obscures et les recettes de cuisine.
Elles ont emprunté une petite porte. Celle, invisible, qui donne sur le jardin de l'imaginaire. Un passage secret, oublié de tous, sauf des enfants et des rêveurs. On y entre par la pensée à la recherche des petits êtres qui peuplent le monde caché où poussent mille et une merveilles. Des herbes en apparence ordinaires qui recèlent une âme féerique inattendue.
Sous la forme d'une balade littéraire au cours d'une journée au coeur d'un havre de paix végétal, les heures défilent, égrainant et semant les pousses aux savoirs et vertus à la fois spirituels, culinaires et médicaux.
Nous sommes lancés sur les traces de précurseurs à la fois médecins, botanistes, apothicaires et jardiniers comme
Hippocrate, Dioscoride ou
Hildegarde de Bingen. C'est aussi une plongée dans l'histoire de la médecine du Moyen-Âge le mal-aimé qui réserve pourtant nombre de trésors. En cette époque trouble qui dura du Ve au XVe siècle et qui connu tant de bouleversements, de découvertes, de créations.
Nous apprenons ainsi que le jardin, d'abord cultivé dans les monastères, avait une fonction nourricière et médicinale. Cet espace clôt, image de l'Éden perdu, dédié à la Vierge, symbolisait l'ordre parfait de l'univers. Disposé en quatre surfaces où étaient cultivées les simples, il fournissait les ingrédients essentiels à la médecine qui souvent se teintait de magie.
En ces temps là, la cuisine, riche et savoureuse, se colorait d'épices que l'on dégustaient à la table des nobles, le pain – mets si cher à notre patrimoine – était un aliment indispensable aux repas, la nourriture prenait déjà des airs de gastronomie. Les plantes couvraient de leurs feuilles les reliefs de la vie quotidienne : teintures textiles, pigments pour le papier ou l'architecture ; le monde se parait de couleurs et parlait un langage visuel complexe.
Le livre se découpe en plusieurs parties dédiées aux plantes et c'est autant de rencontres avec ces Dames végétales à la nature ambivalente : celles du Matin-Clair, les Bocagères, les Nourricières, les Lumineuses, les Vespérales, celles du
Clair Obscur, les Vénusiennes, celles des Ombres et Ténèbres. À chaque moment de la journée, aube, matin, après-midi, crépuscule ou nuit, la Flore s'épanouit et ouvre ses corolles, pétales ou spores pour mieux émerveiller le promeneur-lecteur.
Là où l'on voit un chardon, il y a un antipoison. Là où l'on cueille innocemment une violette, se cache une infirmière qui apaise la tristesse et les irritations. Là où l'on arrache une ortie, on éloigne une aide indispensable. Là où l'on contemple l'aconit, se dévoile un mortel arsenic végétal. Certaines ont un double visage comme l'Anis Vert, à la fois ami et empoisonneur ; d'autres comme le millepertuis, cette « herbe aux fées », préservent des démons et des irritations.
Des plus connues Camomille, Sauge ou Valériane, au redoutées Ciguë, Amanite Tue-Mouche ou Digitale, en passant par les gourmands Safran, Fenouil ou Cardamone, les habitantes des prairies, des chemins et des sous-bois défilent sous nos yeux et nous confient tout leurs secrets. Ainsi dans mon jardin poussait d'imposantes Molènes dont je ne savait pas quoi faire ; maintenant ces Cierge Notre-Dame adouciront mes maux.
Un savoir ancestral qui n'aurait jamais dû disparaître refait surface entre les pages du livre. Une science médicinale, un peu magicienne, aux pouvoirs puissants parfois dangereux mais toujours utile que l'on prend plaisir à connaître. L'auteure nous offre à chaque chapitres, une légende originale à travers les dires de la Brume-conteuse. le plaisir de lecture est magnifié par les illustrations enchanteresses de ces demoiselles vertes qui se dessinent avec délicatesse et poésie sur le papier. L'ouvrage est joliment réalisé, intuitif et agréable à lire ; ce qui en fait un cadeau idéal pour les amoureux de la petite nature, les herboristes en herbe, les sorcières en devenir et les mains vertes curieuses.
*** Un grand merci à Babelio et aux éditions Slatkine pour cette découverte des plus agréables ***