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Critique de TheAutumnCarnival


Où passe l'aiguille de Véronique Mougin est un coup de coeur terrible. J'ai été bouleversée par le destin à la fois tragique et plein d'espoir de Tomas Kiss.

En s'inspirant des souvenirs de son cousin, Véronique Mougin nous raconte entre réel et fiction -en conservant les faits marquants comme leur contexte et en y incluant des scènes imaginées (de dialogues entre autres)-, l'histoire d'un jeune homme appelé Tomi, né en Hongrie à Beregszász, en révolte contre sa famille qui lui cachait un lourd secret, et particulièrement contre son père qui désespère de le voir choisir la plomberie plutôt que l'artisanat familial qu'est la couture : Kiss, tailleurs de père en fils. Nous sommes en 1944, le nazisme ronge la ville de Tomi. Brutalement, toutes les familles juives vont être déportées vers les camps et la famille de Tomi en fait partie. D'abord séparé de sa mère et de son petit frère sur les quais d'Auschwitz, il rejoindra le camp de Dora-Mittelbau avec son père Hermann, son meilleur ami Hugo et le père de celui-ci. C'est une véritable plongée en enfer qu'ils vont vivre jour après jour. Quand le nazisme leur a tout enlevé, Tomi ne compte plus que sur son esprit de révolte et sa débrouillardise pour s'en sortir quitte à prendre tous les risques en prétendant savoir coudre alors qu'il sait à peine enfiler un fil dans le chas d'une aiguille.

Ce roman est une énorme leçon de vie et de courage. Tomi vit l'horreur des camps de concentration, l'humiliation, la violence, la déshumanisation mais il parvient à survivre à tout ça avec une force de résilience incroyable. Il crée sa chance en levant le doigt quand un jour un SS demande des tailleurs. Alors qu'il ne sait pas coudre, son esprit vif et débrouillard imagine qu'il saura apprendre sur le tas, qu'il n'aura de toute façon pas le choix. Tomi est prêt à courir le risque quitte à améliorer d'un brin son quotidien. Car être tailleur, c'est se retrouver à l'abri et dans la chaleur de l'atelier quand les autres s'épuisent et se tuent à la tâche dans des travaux extrêmement physiques. Tomi veut tenir la distance le plus longtemps possible car il en est sûr, tout ça ne durera pas, un jour on viendra les sauver c'est obligé. En attendant Tomi trouve refuge dans les étoffes. Les nazis souhaitent anéantir le peuple juif en leur prenant tout, en les dévêtant, en leur ôtant jusqu'au moindre bout de tissu qui faisait encore d'eux des hommes. Tomi refuse de se résigner et rêve de cotons, de soieries, il s'y raccroche comme à un espoir, une lueur d'humanité. le tissu finit par incarner pour lui bien plus qu'un simple vêtement, le tissu renferme la dignité qu'on veut lui arracher. Cela va le déterminer de façon profonde, le tissu va faire partie de lui et tout le reste de sa vie, il le consacrera à la couture, à ce tissu qui l'aura sauvé de bien des manières.
Véronique Mougin nous emporte dans cette histoire poignante de façon magistrale. Je suis conquise par le style de cette auteure que je ne connaissais pas. Les mots sont filés, brodés, elle use à merveille du champ lexical de la couture pour bâtir son récit. Elle parvient à rendre compte des pires atrocités avec pudeur et sans sensationnel et à faire ressentir au lecteur l'orgueil du héros, sa morgue, car Tomi ne se soumettra jamais et fera en sorte de s'en sortir coûte que coûte. le ton n'est pas larmoyant, au contraire, il est plein d'espoir même s'il est vrai qu'on ne peut retenir ses larmes en lisant certains passages. J'ai beaucoup aimé la façon dont le récit est construit. Entre les chapitres menés par la narration de Tomi s'intercalent des voix, diverses voix. Souvent la voix qui s'exprime dans ces passages en italique appartient à un personnage présent dans le chapitre précédent. Par ce procédé, l'auteure projette une lumière différente sur Tomi, sur ce qu'il raconte et permet d'avoir le ressenti des autres personnages qui constituent le récit. J'ai été complètement chavirée par le personnage de Tomi qui est le personnage principal de l'histoire mais j'ai également été très touchée par le personnage de Marcel qui accueille Tomi comme mécanicien dans son atelier de couture parisien. Il croit en Tomi et il voit grand pour lui, il le rêve en haute couture, et cette bienveillance est extrêmement émouvante à lire.

Où passe l'aiguille est un grand roman, un roman coup de coeur qui nous transperce. C'est un incroyable message d'espoir et de courage que nous livre Véronique Mougin à travers son héros Tomi. Celui-ci est parvenu à faire de la haute couture à partir des haillons de l'inhumanité. Il a surmonté de terribles épreuves, l'horreur des camps de concentration, en se réfugiant dans l'univers de la couture. le souvenir des beaux habits, des tissus et de leur douceur lui a permis de survivre face aux atrocités, de ne jamais se résigner et devenir un couturier d'exception dans la haute couture constitue la plus belle des revanches contre le monde rêche des pyjamas rayés.
Lien : https://thebookcarnival.blog..
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