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Critique de Levant


Combien de ces étoiles qui se sont allumées dans le ciel, chaque fois qu'une personne est née, se sont éteintes dans les camps de la mort, soufflées par la haine ?
Comment croire encore en quelque chose, en quelqu'un, en ayant vu ses entrelacs de membres squelettiques chargés comme des fagots sur les chariots en partance pour les fours crématoires. Il n'y avait personne pour arrêter cela. Ni sur terre, ni au ciel.

Tomi se révolte : "Ils prient, les cons ! … Glorifié [le Très-Haut], rien que ça ! Et béni, ben voyons, pour nous laisser crever de froid ? Pour laisser des pervers nous tuer à coups de gourdin ? … Il n'y a personne là-haut, personne ne laisserait faire ça, nous sommes seuls, seuls à crever …"

Y'a-t-il une vie après la déportation lorsqu'on y a laissé une mère, un frère et tant d'autres encore ? Dissous dans l'attente perpétuelle. Oui, bien sûr qu'il y a la vie, quand on en a réchappé. Mais quelle vie, quand de retour à la maison tout a été spolié, quand au fond de soi il y a ce tableau noir sur lequel on se refuse à se tracer un avenir ? Il y a au fond de soi ces scènes de cauchemars qui vous condamnent à vivre au jour le jour, avec un optimisme en trompe l'oeil. Tomi, l'espiègle, le tendre rebelle s'en est sorti, avec son père. Mais même quand, exilé à Paris, l'amour est là, la mémoire empoisonne son bonheur. Même quand Rosi sa femme adorée est là. Elle a bien compris que quelque chose reste tapi au fond de son mutisme et étend un voile noir derrière son regard. Elle a bien compris que l'activité débordante de son mari ne fait rien d'autre que tenter d'étouffer des souvenirs qui obsèdent.

La vie après ? Parce qu'il faut bien vivre, puisqu'on en est sorti, même si l'on ne croit plus. Il faut se vouer à une activité qui fera vivre une famille. Et pourquoi pas à l'occasion montrer à ce père obsédé par le travail qu'on est capable de faire quelque chose d'autre que reprendre le flambeau de l'entreprise familiale, le costume pour homme. Vivre par soi-même. Se jeter à corps perdu dans un métier qui glorifie la femme. Il sait que "la mode est un torrent, il y lavera sa mémoire. Il y nagera mieux que tous."…

Il fallait bien que ses parents, ses amis, sa femme, et tant d'autres sur le parcours de Tomi interviennent, dans ce qui devient alors un roman choral sous la plume de Véronique Mougin, un très beau roman, pour nous dire ce qu'il étouffe à toute force au fond de son coeur, depuis que son enfance lui a été volée. Nous dévoiler les faiblesses de ce coeur endurci d'un fils de tailleur juif hongrois qui, à peine sorti de l'enfance, a déjà usé sa naïveté à l'école de la haine. "La seule laideur vient des hommes."


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