Petite Lisa

Elle restent ainsi silencieuses, tendrement enlacées, sous les frondaisons du grand sycomore, sous la lente course des nuages de ce jour sans vent et sous l’infini du ciel.

- […] Mais un témoignage n’est jamais un gage d’authenticité. C’est une déclaration subjective de ce qu’on a vu, entendu, vécu ou perçu.

« Quelqu’un avait dénoncé la présence de trois Juives au village, témoigne la vieille dame. Personne ne connaissait notre histoire, à part les Paumier, Marcel, et nos amies Lucienne et Gabrielle, desquels nous étions devenues si proches que Laure et moi ne pouvions plus leur mentir. J’ai longtemps été persuadée qu’aucun d’entre eux ne nous avait dénoncées, mais en vérité je n’en sais rien. L’âme humaine est si imprévisible… »

.....Muriel, voici le dessin d'un Chelifer cancroïdes, qui aime vivre entre les pages des vieux livres. Comme vous-même aimez flâner chez les bouquinistes....p299

Le témoignage participe à la compréhension d’une époque, c’est indéniable.

Elle imaginait Auschwitz comme un terrible monstre, à peine enfoui dans la vase des marécages maléfiques qu'il avait choisis pour tanière, attendant gueule ouverte que ses sbires le repaissent de chair humaine.

"Récite-moi un poème." Lisa s'exécutait, sans réfléchir, et c'était chaque fois une respiration de l'âme : elle éprouvait un véritable soulagement à énoncer plutôt qu'énumérer. Elle se dirait plus tard que cela tenait sans doute beaucoup à la cadence et au souffle de la pensée : elle pouvait régler sa respiration sur la prosodie alors que le rythle effrené des calculs l'exténuait.

Un jour, il se munit de larges bocaux et emmena au bord d'un bassin alimenté par le ruisseau du Raines afin qu'elles y pêchent des larves de libellules. Elles les élevèrent en aquarium, soulageant inlassablement leur voracité à l'aide de petits insectes et de têtards.

Elles aimaient se cacher derrière le chêne chevelu, écraser à l'automne les arilles de l'if déjà tricentenaires, ou encore se réfugier au sein des branches du ptérocaryer du Caucase, arbre à troncs multiples, dont le nom exotique fascinait Lisa.

Leurs brodequins ferrés frappaient furieusement le parquet tandis qu'elles se poursuivaient en cercle autour de la table de travail. Comme souvent, Lisa finit par se saisir de sa soeur et la plaqua au sol. Elle s'assit à califourchon sur elle, en prenant bien soin de coincer ses bras avec ses genoux, et se mit à la chatouiller.